Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/63

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la croix, cette Sodôme du mysticisme, cette arche des rêves sadiques, cet incunnabule des folies sacrées, cette génitrice de la passion nouvelle, cette Rome, je ne la verrai jamais ! » Un petit royaume avait volé au monde sa capitale traditionnelle et la lâcheté moderne avait ratifié le vol.

La tristesse tournait à la colère : Entragues sourit de ce donquichottisme, mais la violence d’une indignation, même passagère, acheva de le rendre tout à lui-même, et retrouvant sa pleine conscience, il respira.

Dans la rue, Entragues ne sympathisait pas avec la sourde conscience éparse parmi le fluide humain émané de la foule : les passants lui semblaient trop des fantômes, il ne les connaissait pas, les jugeait aussi inconsistants que les vignettes d’un livre illustré. Le plus tragique événement populaire n’éveillait en lui qu’un acquiescement ou une répulsion d’artiste : lever les épaules ou crier : Bravo, Hasard ! Observateur très dédaigneux et bien persuadé d’avance que rien de nouveau ne se peut produire au choc des individus entre eux ou contre les choses, puisque les cervelles élaboratrices sont éternellement d’une fondamentale identité et leurs visibles différences seulement l’envers et l’endroit d’une indéchirable étoffe brodée d’une inusable broderie, conscient de l’inutilité de sortir de sa maison pour entrer dans une autre maison, toute pareille, Entragues aimait le voisinage des livres qui lui démontraient la probabilité de sa philosophie. Il ne se lassait pas d’admirer la courageuse persévérance rance des