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avec l’Église et la Synagogue à ses côtés, mais représentées sans leurs montures, l’Église recueillant le sang du Sauveur dans un calice, et la Synagogue voilée, se détournant comme les statues de Bamberg et de Strasbourg, ou tenant un jeune bouc qu’elle égorge. Villard de Honnecourt paraît, dans la vignette 57e de son manuscrit, avoir copié une de ces figures de l’Église sur un vitrail ou peut-être sur une peinture de son temps.

ÉGLISE, s. f. Lieu de réunion des fidèles. Pendant le moyen âge, on a divisé les églises en églises cathédrales, abbatiales, conventuelles, collégiales et paroissiales.

Les églises paroissiales se trouvaient sous la juridiction épiscopale ou sous celle des abbés ; aussi c’était à qui, des évêques et des abbés, auraient à gouverner un nombre de paroisses plus considérable ; de là une des premières causes du nombre prodigieux d’églises paroissiales élevées dans les villes et les bourgades pendant les XIIe et XIIIe siècles, c’est-à-dire à l’époque de la lutte entamée entre le pouvoir monastique et le pouvoir épiscopal. D’ailleurs, la division, l’antagonisme existent dans toutes les institutions religieuses ou politiques du moyen âge ; chacun, dans l’ordre civil comme dans l’ordre spirituel, veut avoir une part distincte. Les grandes abbayes, dès le XIe siècle, cherchèrent à mettre de l’unité au milieu de ce morcellement général ; mais il devint bientôt évident que l’institut monastique établissait cette unité à son propre avantage ; l’épiscopat le reconnut assez tôt pour profiter du développement municipal du XIIe siècle et ramener les populations vers lui, soit en bâtissant d’immenses cathédrales, soit en faisant reconstruire, surtout dans les villes, les églises paroissiales sur de plus grandes proportions. Si nous parcourons, en effet, les villes de la France, au nord de la Loire, nous voyons que, non-seulement toutes les cathédrales, mais aussi les églises paroissiales, sont rebâties pendant la période comprise entre 1150 et 1250. Ce mouvement, provoqué par l’épiscopat, encouragé par la noblesse séculière, qui voyait dans les abbés des seigneurs féodaux trop puissants, fut suivi avec ardeur par les populations urbaines, chez lesquelles l’église était alors un signe d’indépendance et d’unité. Aussi, du XIIe au XIIIe siècle, l’argent affluait pour bâtir ces grandes cathédrales et les paroisses qui se groupaient autour d’elles.

Les églises abbatiales des clunisiens avaient fait école, c’est-à-dire que les paroisses qui en dépendaient imitaient, autant que possible, et dans des proportions plus modestes, ces monuments types. Il en fut de même pour les cathédrales lorsqu’on les rebâtit à la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe ; elles servirent de modèles pour les paroisses qui s’élevaient dans le diocèse. Il ne faudrait pas croire cependant que ces petits monuments fussent des réductions des grands ; l’imitation se bornait sagement à adopter les méthodes de construire, les dispositions de détail, l’ornementation et certains caractères iconographiques des vastes églises abbatiales ou des cathédrales.