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s’ils faisaient toutes ces choses, eh bien ! justice ne serait point encore faite : ils garderaient encore le beau rôle qui ne leur appartient pas et l’histoire les présenterait d’une façon mensongère. C’est ainsi que des flatteurs ont voulu glorifier la nuit du 4 août comme le moment décisif de la Révolution française, celui où les nobles abandonnèrent de leur plein gré titres, privilèges et richesses. Si l’on a montré sous cet aspect un abandon fictif consenti sous la pression du fait accompli, que ne dirait-on pas d’un abandon, réel et spontané de la fortune mal acquise par les anciens exploiteurs ? Il serait à craindre que l’admiration et la reconnaissance publique les rétablit à leur place usurpée. Non, il faut, pour que justice se fasse, pour que les choses reprennent leur équilibre naturel, il faut que les opprimés se relèvent par leur propre force, que les volés reprennent leur bien, que les esclaves reconquièrent la liberté. Ils ne l’auront réellement qu’après l’avoir gagnée de haute lutte.

Le type des compagnies d’exploitation moderne est encore bien plus éloigné de tout sentiment d’humanité que la magistrature ou toute autre caste « inamovible ». C’est la société capitaliste constituée par actions, obligations, crédit, c’est-à-dire par un va et vient de papiers et d’écus. Comment faire pour moraliser ces paperasses et ces monnaies ? et leur inspirer cet esprit de solidarité envers les hommes qui prépare la voie aux changements de l’état social ? Telle banque composée de purs philanthropes n’en prélèverait pas moins ses commissions, intérêts et gages : elle ignore que des larmes ont coulé sur les gros sous et sur les pièces blanches si péniblement amassées, qui vont s’engouffrer dans les énormes coffres-forts à