Page:Ésope - Fables - Émile Chambry.djvu/47

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peut noter dans les meilleurs manuscrits. Mais le fond du vocabulaire est classique, et si l’on y trouve quelques termes employés dans un sens que n’ont point connu Platon ni Xénophon, ce sens n’a rien de byzantin : les mêmes termes se retrouvent avec le même sens dans la Version des Septante, dans Polybe, dans Plutarque. Enfin la syntaxe ne diffère pas plus de la syntaxe classique que celle des écrivains des premiers siècles avant et après notre ère. On est donc en droit de conclure que la 1re classe de nos manuscrits remonte au moins au temps de Plutarque, que le noyau en est même beaucoup plus ancien, et remonte peut-être jusqu’à Démétrios de Phalère lui-même, qu’autour de ce noyau se sont agglomérées des fables qui couraient sur les lèvres des peuples, que ces nouvelles fables furent ajoutées directement au fond primitif ou tirées des recueils que les imitateurs inconnus de Démétrios de Phalère mirent sans doute au jour pendant la période alexandrine.


Classe de L : elle date peut-être du IIIe siècle de notre ère.

La classe de L n’a pas dû se former longtemps après la classe de P, et j’aurais dû en placer les rédactions immédiatement après celles de P. Le meilleur manuscrit en est le Laurentianus 79 pl. 89, sur lequel Accurse donna l’édition princeps des fables d’Ésope. Cette classe n’a qu’un petit nombre de sujets qui lui soient propres ; la plupart lui sont communs soit avec P, soit avec C. Mais la communauté des sujets n’empêche pas de voir ici une rédaction originale, et la main qui l’a écrite se reconnaît la même dans les fables propres à cette classe, comme La Femme et l’Ivrogne, Le Lion, le Loup et le Renard, et dans celles qui sont par le sujet apparentées à P et à C. C’est partout la même simplicité, la même justesse, la même netteté d’expression, la même sobriété, la même élégance un peu sèche qui est la marque d’une époque littéraire encore saine. Pour le vocabulaire[1], il est

  1. Voici les remarques que suggèrent par exemple les 2 fables originales citées plus haut. Dans la fable La Femme et l’Ivrogne deux mots non classiques attirent l’attention : ἀνανήφειν , qui est dans Aristote, et πολυανδρίου qui est dans Josèphe et dans Plutarque. Dans Le Lion, le Loup et le Renard, la seule chose qui ne soit pas classique est l’emploi de μηδέ avec un participe pour οὐδέ, et la place de αὐτοῦ dans τὴν αὐτοῦ δοράν ; mais ce sont là deux particularités qui ne sont pas inconnues à l’époque alexandrine ; μή y devient même régulier avec un participe.