Page:Œuvres complètes, Impr. nat., Actes et Paroles, tome III.djvu/52

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Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois. Levez-vous ! levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil. Le despotisme attaque la liberté, l’Allemagne attente à la France. Qu’à la sombre chaleur de notre sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l’effrayante bataille de la patrie. Ô francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l’ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l’invasion. Défendez la France avec héroïsme, avec désespoir, avec tendresse. Soyez terribles, ô patriotes ! Arrêtez-vous seulement, quand vous passerez devant une chaumière, pour baiser au front un petit enfant endormi.

Car l’enfant c’est l’avenir. Car l’avenir c’est la République.

Faisons cela, français.

Quant à l’Europe, que nous importe l’Europe ! Qu’elle regarde, si elle a des yeux. On vient à nous si l’on veut. Nous ne quêtons pas d’auxiliaires. Si l’Europe a peur, qu’elle ait peur. Nous rendons service à l’Europe, voilà tout. Qu’elle reste chez elle, si bon lui semble. Pour le redoutable dénoûment que la France accepte si l’Allemagne l’y contraint, la France suffit à la France, et Paris suffit à Paris. Paris a toujours donné plus qu’il n’a reçu. S’il engage les nations à l’aider, c’est dans leur intérêt plus encore que dans le sien. Qu’elles fassent comme elles voudront, Paris ne prie personne. Un si grand suppliant que lui étonnerait l’histoire. Sois grande ou sois petite, Europe, c’est ton affaire. Incendiez Paris, allemands, comme vous avez incendié Strasbourg. Vous allumerez les colères plus encore que les maisons.

Paris a des forteresses, des remparts, des fossés, des canons, des casemates, des barricades, des égouts qui sont des sapes ; il a de la poudre, du pétrole et de la nitroglycérine ; il a trois cent mille citoyens armés ; l’honneur, la justice, le droit, la civilisation indignée, fermentent en lui ; la fournaise vermeille de la République s’enfle dans son cratère ; déjà sur ses pentes se répandent et s’allongent des coulées de lave, et il est plein, ce puissant Paris, de toutes les explosions de l’âme humaine. Tranquille et formidable, il attend l’invasion, et il sent monter son bouillonnement. Un volcan n’a pas besoin d’être secouru.

Français, vous combattrez. Vous vous dévouerez à la cause universelle, parce qu’il faut que la France soit grande afin que la terre soit affranchie ; parce qu’il ne faut pas que tant de sang ait coulé et que tant d’ossements aient blanchi sans qu’il en sorte la liberté ; parce que toutes les ombres illustres, Léonidas, Brutus, Arminius, Dante, Rienzi, Washington, Danton, Riego, Manin, sont là souriantes et fières autour de vous ; parce qu’il est temps de