Page:Œuvres complètes, Impr. nat., Actes et Paroles, tome III.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soldats couchés et entassés, vieux zouaves aux barbes rousses, jeunes Saint-Cyriens encore revêtus du costume de l’École, artilleurs foudroyés à côté de leurs pièces, conscrits tombés dans les fossés, et lorsque me revenaient ces vers de Victor Hugo sur les morts du 4 décembre, vers qui pourraient s’écrire sur les cadavres du 2 septembre :


Tous, qui que vous fussiez, tête ardente, esprit sage.
Soit qu’en vos yeux brillât la jeunesse ou que l’âge
            Vous prît et vous courbât,
Que le destin pour vous fût deuil, énigme ou fête.
Vous aviez dans vos cœurs l’amour, cette tempête,
             La douleur, ce combat.

Grâce au quatre décembre, aujourd’hui, sans pensée.
Vous gisez étendus dans la fosse glacée
             Sous les linceuls épais ;
Ô morts, l’herbe sans bruit croît sur vos catacombes.
Dormez dans vos cercueils ! taisez-vous dans vos tombes !
             L’empire, c’est la paix.


Avec le neveu comme avec l’oncle : — l’empire, c’est l’invasion.

Il avait donc, encore un coup, deviné, le grand poëte, tout ce que l’empire nous réservait de lâchetés et de catastrophes. Il était le prophète alarmé de cette chute qui n’a point d’égale dans l’histoire, de cette reddition dont une lèvre française ne peut parler sans frémir, il avait tout deviné, et, devant le triomphe de l’abjection, sa colère pouvait passer pour excessive. Hélas ! le sort lui a donné raison, et les Châtiments restent le livre le plus éclatant, le fer rouge inoubliable, et ils consoleront la patrie de tant de honte, après l’avoir vengée de tant d’infamie !

Maintenant, citoyens, tout cela est passé, tout cela doit être oublié, tout cela doit être effacé ! — Maintenant, ne songeons plus qu’à la vengeance, et, en dépit des bruits d’armistice, songeons toujours à ces canons d’où sortira la victoire. Grâce à vous, nous en avons un aujourd’hui qui s’appellera Châteaudun et qui rappellera la mémoire de cette héroïque cité, si chère à tout cœur français et à tout cœur républicain. Mais laissez-moi espérer encore que, grâce à vous, bientôt nous en pourrons avoir un second, et, cette fois, nous lui donnerons un autre nom, si vous voulez bien. Après Châteaudun, qui veut dire douleur et sacrifice, notre canon futur signifiera revanche et victoire et s’appellera d’un grand nom, d’un beau nom, — le Châtiment.

Puis, les désastres vengés, la patrie refaite, la France régénérée, la France reconquise, arrachée à l’étranger, sauvée et lavée de ses souillures, alors nous reprendrons notre œuvre de fraternité après avoir fait notre devoir de patriotes, et nous pourrons écrire fièrement, nous, et sans mensonge :

La république, c’est la paix !

__________


COMITÉ DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES.

Procès-verbal de la séance du 7 novembre,


M. Charles Valois, membre de la commission spéciale, rend compte de la recette produite par l’audition des Châtiments à la Porte-Saint-Martin.