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72 DEPUIS L’EXIL. — BORDEAUX. — 1871.

de blessures, sous tant d’abandons, sous cette guerre scélérate, sous cette paix épouvantable, mon pays ne succombera pas ! Non ! M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. — Non !

De toutes parts. — Non ! non !

M. Victor Hugo. — Je ne voterai point cette paix, parce que, avant tout, il faut sauver l’honneur de son pays ; je ne la voterai point, parce qu’une paix infâme est une paix terrible. Et pourtant, peut-être aurait-elle un mérite à mes yeux : c’est qu’une telle paix, ce n’est plus la guerre, soit, mais c’est la haine. {Mouvement.) La haine contre qui.f^ Contre les peuples .f* non ! contre les rois. Que les rois recueillent ce qu’ils ont semé. Faites, princes j mutilez, coupez, tranchez, volez, annexez, démembrez ! Vous créez la haine profonde ; vous indignez la conscience universelle. La vengeance couve, l’explosion sera en raison de l’oppression. Tout ce que la France perdra , la Révolution le gagnera. {Jipprobation sur les bancs de la gauche.) Oh ! une heure sonnera — nous la sentons venir — cette revanche prodigieuse. Nous entendons dès à présent notre triomphant avenir marcher à grands pas dans l’histoire. Oui, dès demain, cela va commencer ; dès demain, la France n’aura plus qu’une pensée : se recueillir, se reposer dans la rêverie redoutable du désespoir ; reprendre des forces ; élever ses enfants, nourrir de saintes colères ces petits qui deviendront grands ; forger des canons et former des citoyens, créer une armée qui soit un peuple ; appeler la science au secours de la guerre ; étudier le procédé prussien, comme Rome a étudié le procédé punique ; se fortifier, s’affermir, se régénérer, redevenir la grande France, la France de 92, la France de l’idée et la France de l’épée. (Très bien ! très bien !)

Puis, tout à coup, un jour, elle se redressera ! Oh ! elle sera formidable ; on la verra, d’un bond, ressaisir la Lorraine, ressaisir l’Alsace ! Est-ce tout.f^ non ! non ! saisir, — écoutez-moi, — saisir Trêves, Mayence, Cologne, Coblentz. ..

Sur divers bancs. — Non ! non !

M. Victor Hugo. — Écoutez-moi, messieurs. De quel droit une assemblée française interrompt-elle l’explosion du patriotisme. ? Plusieurs membres. — Parlez, achevez l’expression de votre pensée. M. Victor Hugo. — On verra la France se redresser, on la verra ressaisir la Lorraine, ressaisir l’Alsace. {Oui ! oui ! ■ — Très bien !) Et puis, est-ce tout.f^ Non... saisir Trêves, Mayence, Cologne, Coblentz, toute la rive gauche du Rhin. . . Et on entendra la France crier : C’est mon tour ! Allemagne, me voilà ! Suis-je ton ennemie .f* Non ! je suis ta sœur. {Très bien ! très bien !) Je t’ai tout repris, et je te rends tout, à une condition : c’est que nous ne ferons plus qu’un seul peuple, qu’une seule famille, qu’une seule Repu-