Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fidèles peuvent offrir des biens temporels à ceux dont ils reçoivent les spirituels, et que les prêtres qui servent à l’autel peuvent vivre de l’autel, vous auriez dit une chose dont personne ne doute, mais qui ne touche point aussi notre question. Il s’agit de savoir si un prêtre qui n’auroit pour motif principal, en offrant le sacrifice, que l’argent qu’il en reçoit, ne seroit pas devant Dieu coupable de simonie. Vous l’en devez exempter selon la doctrine de Tannerus ; mais le pouvez-vous selon les principes de la piété chrétienne ? « Si la simonie, dit Pierre le Chantre, l’un des plus grands ornemens de l’Église de Paris, est si honteuse et si damnable dans les choses jointes aux sacremens, combien l’est-elle plus dans la substance même des sacremens, et principalement dans l’eucharistie, où on prend Jésus-Christ tout entier, la source et l’origine de toutes les grâces ! Simon le Magicien, dit encore ce saint homme, ayant été rejeté par Simon Pierre, lui eût pu dire : « Tu me rebutes, mais je triompherai de toi et du corps entier de l’Église ; j’établirai le siège de mon empire sur les autels ; et lorsque les anges seront assemblés en un coin de l’autel pour adorer le corps de Jésus-Christ, je serai à l’autre coin pour faire que le ministre de l’autel, ou plutôt le mien, le forme pour de l’argent.» Et cependant cette simonie, que ce pieux théologien condamne si fortement, ne consiste que dans la cupidité, qui fait que, dans l’administration des choses spirituelles, on met sa fin principale dans l’utilité temporelle qui en revient. Et c’est ce qui lui fait dire généralement (chap. xxv) a que les ministères saints, qu’il appelle les ouvrages de la droite, étant exercés par l’amour de l’argent, forment la simonie : Opus dexteræ, operatum causa pecuniæ acquirendæ, parit simoniam. » Qu’auroit-il donc dit, s’il avoit ouï parler de cette horrible maxime des casuistes que vous défendez : « qu’il est permis à un prêtre de renoncer pour un peu d’argent à tout le fruit spirituel qu’il peut prétendre du sacrifice ? »

Vous voyez donc, monsieur, que, si c’est là tout ce que vous avez à dire pour la défense de Tannerus, vous ne ferez que le rendre coupable d’une plus grande impiété. Mais vous ne prouverez pas encore par là qu’il y ait, selon lui, simonie de droit positif à recevoir de l’argent comme motif pour donner des bénéfices. Car remarquez, s’il vous plaît, qu’il ne dit pas simplement que c’est une simonie de donner un bien spirituel pour un temporel comme motif, et non comme prix ; mais qu’il y ajoute une alternative, en disant que c’est « ou une simonie de droit positif, ou une simonie présumée. » Or, une simonie présumée n’est pas une simonie devant Dieu ; elle ne mérite aucune peine dans le tribunal de la conscience. Et ainsi, dire, comme fait Tannerus, que c’est une simonie de droit positif, ou une simonie présumée, c’est dire en effet que c’est une simonie, ou que ce n’en est pas une. Voilà à quoi se réduit l’exception de Tannerus, que l’auteur des Lettres n’a pas dû rapporter dans sa sixième lettre ; parce que, ne citant aucunes paroles de ce jésuite, il y dit simplement qu’il est de l’avis de Valentia ; mais il la rapporte, et il y répond expressément dans sa douzième, quoique vous l’accusiez faussement de l’avoir dissimulée.

Ç’a été pour éviter l’embarras de toutes ces distinctions que l’auteur