Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/261

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qu’ils ont publiée hautement partout, après avoir établi qu’on ne pouvoit les accuser de fausseté qu’en supposant ou qu’ils avoient été des fourbes, ou qu’ils avoient été trompés eux-mêmes, il fit voir clairement que l’une et l’autre de ces suppositions étoit également impossible. Enfin il n’oublia rien de tout ce qui pouvoit servir à la vérité de l’histoire évangélique, faisant de très-belles remarques sur l’Évangile même, sur le style des évangélistes, et sur leurs personnes ; sur les apôtres en particulier, et sur leurs écrits ; sur le nombre prodigieux de miracles ; sur les martyrs : sur les saints ; en un mot, sur toutes les voies par lesquelles la religion chrétienne s’est entièrement établie. Et quoiqu’il n’eût pas le loisir, dans un simple discours, de traiter au long une si vaste matière, comme il avoit dessein de faire dans son ouvrage, il en dit néanmoins assez pour convaincre que tout cela ne pouvoit être l’ouvrage des hommes, et qu’il n’y avoit que Dieu seul qui eût pu conduire l’événement de tant d’effets differens qui concourent tous également à prouver d’une manière invincible la religion qu’il est venu lui-même établir parmi les hommes.

Voilà en substance les principales choses dont il entreprit de parler dans tout ce discours, qu’il ne proposa à ceux qui l’entendirent que comme l’abrégé du grand ouvrage qu’il méditoit ; et c’est par le moyen d’un de ceux qui y furent présens qu’on a su depuis le peu que je viens d’en rapporter.

Parmi les fragmens que l’on donne au public, on verra quelque chose de ce grand dessein : mais on y en verra bien peu : et les choses mêmes que l’on y trouvera sont si imparfaites, si peu étendues, et si peu digérées, qu’elles ne peuvent donner qu’une idée très-grossière de la manière dont il se proposoit de les traiter.

Au reste, il ne faut pas s’étonner si, dans le peu qu’on en donne, on n’a pas gardé son ordre et sa suite pour la distribution des matières. Comme on n’avoit presque rien qui se suivît, il eût été inutile de s’attacher à cet ordre ; et l’on s’est contenté de les disposer à peu près en la manière qu’on a jugé être plus propre et plus convenable à ce que l’on en avoit. On espère même qu’il y aura peu de personnes qui, après avoir bien conçu une fois le dessein de l’auteur, ne suppléent d’eux-mêmes au défaut de cet ordre, et qui, en considérant avec attention les diverses matières répandues dans ces fragmens, ne jugent facilement où elles doivent être rapportées suivant l’idée de celui qui les avoit écrites.

Si l’on avoit seulement ce discours-là par écrit tout au long et en la manière qu’il fut prononcé, l’on auroit quelque sujet de se consoler de la perte de cet ouvrage, et l’on pourroit dire qu’on en auroit au moins un petit échantillon, quoique fort imparfait. Mais Dieu n’a pas permis qu’il nous ait laissé ni l’un ni l’autre ; car peu de temps après il tomba malade d’une maladie de langueur et de foiblesse qui dura les quatre dernières années de sa vie, et qui, quoiqu’elle parût fort peu au dehors, et qu’elle ne l’obligeât pas de garder le lit ni la chambre, ne laissoit pas de l’incommoder beaucoup, et de le rendre presque incapable de s’appliquer à quoi que ce fût : de sorte que le plus grand soin et la principale occupation de ceux qui étoient auprès de lui etoit de le détourner d’écrire, et même de parler de tout ce qui demandoit quelque contention d’esprit, et de ne l’entretenir que de choses indifférentes et incapables de le fatiguer.

C’est néanmoins pendant ces quatre dernières années de langueur et de maladie qu’il a fait et écrit tout ce que l’on a de lui de cet ouvrage qu’il méditoit, et tout ce que l’on en donne au public. Car, quoiqu’il