Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/367

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n’étoit pas juste aussi qu’il vînt d’une manière si cachée, qu’il ne pût être connu de ceux qui le chercheroient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connoissable à ceux-là ; et ainsi, voulant paroître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur, et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il tempère sa connoissance, en sorte qu’il a donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent, et obscures à ceux qui ne le cherchent pas. Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. Il y a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d’obscurité pour les humilier. Il y a assez d’obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner, et les rendre inexcusables.


2.

Si le monde subsistoit pour instruire l’homme de Dieu, sa divinité reluiroit de toutes parts d’une manière incontestable ; mais, comme il ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-Christ, et pour instruire les hommes et de leur corruption et de leur rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vérités. Ce qui y paroît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d’un Dieu qui se cache : tout porte ce caractère.

S’il n’avoit jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle seroit équivoque, et pourroit aussi bien se rapporter à l’absence de toute divinité, ou à l’indignité où seraient les hommes de le connoître. Mais de ce qu’il paroît quelquefois, et non pas toujours, cela ôte l’équivoque. S’il paroît une fois, il est toujours ; et ainsi on n’en peut conclure, sinon qu’il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes.


3.

Dieu veut plus disposer la volonté que l’esprit. La clarté parfaite serviroit à l’esprit et nuiroit à la volonté. Abaisser la superbe.

S’il n’y avoit point d’obscurité, l’homme ne sentirait point sa corruption ; s’il n’y avoit point de lumière, l’homme n’espéreroit point de remède. Ainsi, il est non-seulement juste, mais utile pour nous, que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu’il est également dangereux à l’homme de connoître Dieu sans connoître sa misère, et de connoître sa misère sans connoître Dieu.


4.

Il est donc vrai que tout instruit l’homme de sa condition, mais il le faut bien entendre : car il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache à ceux qui le tentent, et qu’il se découvre à ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu, et capables de Dieu ; indignes par leur corruption, capables par leur première nature.


5.

Il n’y a rien sur la terre qui ne montre, ou la misère de l’homme, ou la miséricorde de Dieu ; ou l’impuissance de l’homme sans Dieu, ou la puissance de l’homme avec Dieu.

Ainsi, tout l’univers apprend à l’homme, ou qu’il est corrompu,