Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/375

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et de s’en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles, ils les avoient à l’égard de leurs prophètes. Et cependant ils étoient très-coupables de refuser les prophètes, à cause de leurs miracles, et Jésus-Christ ; et n’eussent pas été coupables s’ils n’eussent point vu les miracles : Nisi fecissem, peccatum non haberent[1]. Donc toute la créance est sur les miracles.

Les preuves que Jésus-Christ et les apôtres tirent de l’Écriture ne sont pas démonstratives ; car ils disent seulement que Moïse a dit qu’un prophète viendroit, mais ils ne prouvent pas par là que ce soit celui-là, et c’étoit toute la question. Ces passages ne servent donc qu’à montrer qu’on n’est pas contraire à l’Écriture, et qu’il n’y paroît point de répugnance, mais non pas qu’il y ait accord Or, cela suffit, exclusion de répugnance, avec miracles.


4.

Jésus-Christ dit que les Écritures témoignent de lui, mais il ne montre pas en quoi.

Même les prophéties ne pouvoient pas prouver Jésus-Christ pendant sa vie. Et ainsi on n’eût pas été coupable de ne pas croire en lui avant sa mort, si lesmiracles n’eussent pas suffi sans la doctrine. Or, ceux qui ne croyoient pas en lui encore vivant étoient pécheurs, comme il le dit lui-même, et sans excuse. Donc il falloit qu’ils eussent une démonstration à laquelle ils résistassent. Or, ils n’avoient pas[2]…, mais seulement les miracles ; donc ils suffisent, quand la doctrine n’est pas contraire, et on doit y croire.

Jésus-Christ a vérifié qu’il étoit le Messie, jamais en vérifiant sa doctrine sur l’Écriture et les prophéties, et toujours par ses miracles. Il prouve qu’il remet les péchés, par un miracle.

Nicodème reconnoît par ses miracles[3], que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia a Deo venisti, magister ; nemo enim potest hæc signa facere quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo[4]. Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles.

Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Quid debui[5]? « Accusez-moi, dit Dieu dans Isaïe. Dieu doit accomplir ses promesses, » etc.

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu’il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne les point induire en erreur. Or, ils croient induits en erreur, si les faiseurs de miracles annoncoient une doctrine qui ne parût pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miracles n’avoit déjà averti de ne les pas croire. Ainsi, s’il y avoit division dans l’Église, et que les ariens, par exemple, qui se disoient fondés en l’Écriture comme les catholiques, eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été induit en erreur. Car, comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n’est pas digne d’être cru sur son autorité privée, et que c’est pour cela que les impies en doutent : aussi un homme qui, pour marque de la

  1. Jean, xv, 24.
  2. Ici un mot illisible. La Copie a lu, l’exposition.
  3. Par les miracles de Jésus-Christ.
  4. Jean, iii, 2.
  5. Isaïe, v, 4.