Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/385

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vérité ; et de là vient qu’ils nous font tant d’objections sur les passages des Pères qui le disent. Enfin ils nient la présence ; et en cela ils sont hérétiques.

3e exemple : les indulgences.

C’est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies est d’instruire de toutes les vérités ; et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer toutes. Car que diront les hérétiques ?

Tous errent d’autant plus dangereusement qu’ils suivent chacun une vérité. Leur faute n’est pas de suivre une fausseté, mais de ne pas suivre une autre vérité.

La grâce sera toujours dans le monde (et aussi la nature), de sorte qu’elle est en quelque sorte naturelle. Et ainsi il y aura toujours des pélagiens, et toujours des catholiques, et toujours combat.

Parce que la première naissance fait les uns, et la grâce de la seconde naissance fait les autres.

Ce sera une des confusions des damnés, de voir qu’ils seront condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont prétendu condamner la religion chrétienne.


13.

Il y a cela de commun entre la vie ordinaire des hommes et celle des saints, qu’ils aspirent tous à la félicité ; et ils ne diffèrent qu’en l’objet où ils la placent. Les uns et les autres appellent leurs ennemis ceux qui les empêchent d’y arriver.

Il faut juger de ce qui est bon ou mauvais par la volonté de Dieu, qui ne peut être ni injuste ni aveugle ; et non pas par la nôtre propre, qui est toujours pleine de malice et d’erreur.


14.

Point formaliste. — Quand saint Pierre et les apôtres délibèrent d’abolir la circoncision, où il s’agissoit d’agir contre la loi de Dieu, ils ne consultent point les prophètes, mais simplement la réception du Saint-Esprit en la personne des incirconcis. Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu’il remplit de son Esprit, que non pas qu’il faille observer la loi ; ils savoient que la fin de la loi n’étoit que le Saint-Esprit ; et qu’ainsi, puisqu’on l’avoit bien sans circoncision, elle n’étoit pas nécessaire.


15.

Deux lois suffisent pour régler toute la république chrétienne, mieux que toutes les lois politiques[1].


16.

La religion est proportionnée à toutes sortes d’esprits. Les premiers s’arrêtent au seul établissement ; et cette religion est telle, que son seul établissement est suffisant pour en prouver la vérité. Les autres vont jusqu’aux apôtres. Les plus instruits vont jusqu’au commencement du monde. Les anges la voient encore mieux, et de plus loin.

Dieu, pour se réserver à lui seul le droit de nous instruire, et pour nous rendre la difficulté de notre être inintelligible, nous en a caché le

  1. P. R. ajoute : l’amour de Dieu et celui du prochain.