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NOÉMI, OU L’ENFANT CRÉDULE.

à quelques pas de là, ne jette pas d’eau sur cette chaux, tu te brûlerais.

— Mais c’est de l’eau froide, dit-elle en riant ; comment pourrais-je me brûler avec de l’eau froide ?

Persuadée qu’on se moquait de sa crédulité, elle répandit son arrosoir autour d’elle, et se mit à jouer avec la chaux.

Bientôt elle jeta des cris effroyables, car elle s’était brûlée cruellement ; mais cela ne suffit pas encore pour la corriger.

Son père l’emmena peu de temps après en Normandie, dans un vieux château situé au bord de la mer, dont il venait d’hériter. Noémi, qui entendait parler de son oncle qui était mort récemment, demanda ce que c’était que de mourir.

Un petit paysan qui était près d’elle, entendant cela, lui dit : — Tenez, mamzelle, c’est d’être comme ce mulot que je viens de tuer ; j’ai beau le secouer, il ne remuera plus.

Le soir, Noémi vint tout en larmes chez son père, en s’écriant : — Elle est morte ! elle est morte !

— Qui donc ? demanda-t-il alarmé.

— Ma montre ! répondit Noémi.

En effet, la montre s’était arrêtée.

Rien n’était si inquiétant pour le caractère de Noémi que cet esprit faux, ces croyances et ces doutes également mal placés. Comment enseigner la religion à cette jeune âme, si folle et si défiante ? comment lui faire adorer les mystères sublimes, qu’elle ne pourrait comprendre ? car c’est profaner un mystère que de vouloir l’expliquer ; et alors que deviendrait-elle sans religion, sans Dieu ? sans un Dieu à qui adresser sa prière, à qui demander des consolations ? La pauvre Noémi eût été bien malheureuse…


CHAPITRE CINQUIÈME.

LA MARÉE.


C’est une triste vérité à vous apprendre, mes chers enfants, mais il est certain que les seuls remèdes à nos défauts sont les chagrins qui en découlent : le cœur seul corrige l’esprit, il faut qu’il souffre amèrement de nos fautes pour nous apprendre