Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
NOÉMI, OU L’ENFANT CRÉDULE.

t-elle ; comment t’appelles-tu ? — Le chien, flatté qu’on s’occupât de lui, comme tous les chiens, répondit à cette agacerie par son jappement ordinaire, qu’on peut traduire à peu près comme ceci : « Houap ! houap ! »

— Houap ! répéta Noémi ; ce n’est pas un joli nom… Moi, je m’appelle Noémi.

Le chien leva la tête, et comme il ne parut point critiquer ce nom, la petite changea de conversation.

— Veux-tu venir avec moi ? dit-elle en faisant quelques pas dans le jardin. Le chien, qui s’était levé, la voyant courir, la suivit ; et elle se persuada qu’il l’avait comprise et même qu’il avait répondu : — Oui, je veux bien.

Elle courût quelque temps dans le jardin ; mais comme le chien s’obstinait à mordre sa robe, — cette vilaine robe, elle le méritait bien ! — Noémi eut peur ; elle s’arrêta.

Le chien, voyant qu’elle ne voulait plus jouer, la laissa, et rejoignit sous le gazon un os de sa connaissance qu’il avait caché là le matin ; il se mit à le ronger paisiblement, sans prendre garde à Noémi ; mais elle s’obstinait au dialogue. — Veux-tu rentrer avec moi dans la maison ? lui demandait-elle. Le chien ne la regarda seulement pas ; et Noémi impatientée éleva la voix : — Veux-tu venir avec moi ? Dis donc ! le veux-tu, oui ou non ?

Le chien ne changeait pas d’attitude ; il y avait certainement mauvaise volonté de sa part : puisqu’il avait dit oui tout à l’heure, il pouvait bien dire non maintenant. Noémi, hors d’elle, et déjà gâtée par la liberté, veut punir l’entêtement du philosophe. — Ah ! tu ne veux plus parler ! s’écrie-t-elle ; je vais bien t’y forcer, moi ! — Et la petite volontaire, hier si tremblante, si soumise, s’empara d’un bâton qu’elle trouva sur son chemin, et se mit à taper de toutes ses forces sur le dos de la pauvre bête, qui n’y comprit rien.

Une servante d’auberge, occupée à étendre du linge à quelques pas de là, vint au secours du malheureux animal. — Eh ! dites donc, ma petite demoiselle, pourquoi que vous battez not’ chien ?

— Parce qu’il ne veut pas me répondre ! reprit Noémi en colère.