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LETTRES PARISIENNES (1837).

et nous lui enseignerons de jolies courses dont il n’a pas l’idée et qui le charmeraient ; nous l’enverrons sur la route d’Asnières étudier les progrès du chemin de fer ; il verra des chariots marcher d’eux-mêmes ; il verra un seul cheval conduire à lui seul huit voitures. Nous l’accompagnerons, avenue de Breteuil, no 30, derrière les Invalides, chez M. Tripet : là, il admirera une collection de tulipes dignes de la Flandre. Le Figaro a raison, il compare ces quatorze belles planches de tulipes, toutes en fleur, se balançant gracieusement sur leurs tiges, ce parterre brillant des plus riches couleurs, à un immense châle de cachemire vivant. Hâtez-vous d’aller visiter ce jardin, les tulipes seront jeunes encore quinze jours ; hâtez-vous, c’est un plaisir que cette promenade ; regarder à la fois plus de six mille fleurs, il y a là de quoi donner de la gaieté aux yeux pour toute l’année.

Les amateurs d’horticulture se sont donné rendez-vous à deux ventes qui ont eu lieu ces jours-ci ; mais cette réunion était triste : des fleurs vendues à la criée, des roses à l’encan, c’est pitié ! Errer dans un bosquet, bercé par l’harmonie de l’adjudication, avoir pour rossignol le chant de l’huissier priseur ; cela est désenchantant. Cependant, comme il y avait beaucoup d’amateurs, l’admiration a été productive ; un seul bananier nain a été vendu mille francs ; une autre petite plante a été payée quatre cents francs. Cette merveille était un cactus senilensis ; la beauté de cette plante consiste à être terminée par une petite perruque de cheveux blancs. Cela ne nous paraît pas très-rare, il y a beaucoup de cactus senilensis dans la société.

Le soir, les amateurs de chevaux et de jolies femmes vont au Cirque des Champs-Élysées, car maintenant, nous le disons, tous les plaisirs commencent et finissent par une promenade. À dix heures, on rentre, et les conversations commencent. Si le piano est ouvert, on chante, on essaye avec tristesse une des nouvelles romances de madame Malibran ; chant gracieux qui survit, hélas ! à la belle voix qui, seule, était digne de le faire comprendre ; et puis l’on s’interrompt pour parler d’elle et du sublime talent qui n’est plus. Puis, on raconte les fêtes[1] de

  1. La cour était alors à Fontainebleau, où avait lieu le mariage du duc d’Orléans avec la princesse Hélène.