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LE VICOMTE DE LAUNAY.

toire de toutes les visites au musée historique : grande admiration au début, grande fureur au départ.

On nous contait l’autre soir un mot qui nous a paru charmant : « Comment voulez-vous que je n’aime pas cette femme-là ? disait M. de R… en parlant d’une de ses amies, elle est si aimable, et puis elle me fait faire tout ce que je veux. »

Nous avons une peur épouvantable que le correcteur ne mette : Elle me fait faire tout ce qu’elle veut. Nous réclamons d’avance ; le perfide, il en est bien capable, lui qui nous fait dire tout ce qu’il veut.


LETTRE DIX-HUITIÈME.

Le public de l’Opéra. — Danseur décoré. — Serrurier glorifié et ruiné. — Franconi. — Promenade. — Le passant.
12 juillet 1837.

Paris n’a dans ce moment aucune physionomie ; peu de Parisiens, très-peu ; une douzaine d’élégants, une demi-douzaine d’élégantes ; un échantillon de la grande ville, et voilà tout. L’aspect de l’Opéra est misérable ; deux ou trois jolies femmes en deuil, quelques merveilleux en fureur, un parterre de claqueurs en délire, tel est l’Opéra. Certes, il est pénible d’entendre des sifflets opiniâtres dans le plus beau, le plus riche, le plus fashionable théâtre de Paris ; autrefois, disent les vieillards, jamais on n’aurait osé siffler à l’Opéra : sans doute ; mais autrefois aussi jamais on n’aurait osé représenter à l’Opéra les ballets absurdes qu’on y donne, grâce aux étranges considérations qu’on y fait valoir. Jamais surtout on n’aurait laissé profaner ce temple du bon goût et de la mode par des admirateurs soudoyés.

L’Opéra de nos jours, sans compter le nouveau public payé, se compose de deux publics : le public flottant, c’est-à-dire le parterre et l’orchestre, dont les spectateurs se renouvellent chaque jour, et le public permanent, c’est-à-dire la presque totalité des loges louées à l’année, dont les spectateurs ne varient jamais. Autrefois cela n’était pas ainsi : la plupart des loges, et les meilleures surtout, appartenaient à des administrations, à des ministères ; il y avait la loge des gentilshommes