Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LETTRES PARISIENNES (1837).

court. C’est une critique des romans modernes, de leur influence funeste sur l’esprit des jeunes filles. On s’y moque des jeunes gens aux regards fauves, des cœurs de femme et des poitrines d’homme ; des êtres exceptionnels, des héros au front pâle, aux cheveux en désordre, criant dans leur délire : Fatalité ! fatalité ! Malédiction ! malédiction ! Eh ! monsieur le vicomte, avez-vous donc oublié les vôtres ! Ils étaient gentils, vos héros ! farouches brigands, meurtriers infâmes, malfaiteurs de moyen âge que l’on ferait pendre aujourd’hui sans pitié, et qu’alors vous nous faisiez adorer à force de mystères et d’inversions. Et quelles inversions, grand Dieu ! Chacune de vos phrases semblait avoir subi un tremblement de terre ; rien n’y restait en place : chez vous la vie commençait par la mort, l’amour venait ensuite : vous savez bien, votre poëme : la Mort et l’Amour. Voilà une belle inversion, convenez-en. Le héros de ce poëme mourait au premier chapitre, bien ; au second chapitre on l’enterrait, bon ; et puis il partait de là pour venir faire sa cour à son amie, jeune fille innocente qu’il était facile de tromper ; à seize ans, l’âme est si confiante, elle croit au bonheur, aux serments, aux prodiges, et à toutes les inversions. Un autre aurait dit l’Amour et la Mort : fi donc ! c’était classique, votre style n’admettait pas ces choses-là ; la Mort et l’Amour, à la bonne heure ! c’était romantique, et vous étiez romantique alors. Pourquoi donc aujourd’hui déserter vos drapeaux ? pourquoi tirer sur vos soldats ? Vos yeux sont-ils dessillés ? êtes-vous revenu aux croyances vulgaires ? pensez-vous qu’on aime avant de mourir ? allez-vous corriger le titre de votre ancien poëme, et le verrons-nous paraître à sa trente-deuxième édition avec cet humble changement : l’Amour et la Mort ? Quelle concession ! Non, vous ne la ferez pas ; vous resterez fidèle au succès.


LETTRE VINGT ET UNIÈME.

L’anniversaire du 29 Juillet. — Le parapluie. — Les vacances. —
Les modes. — Le Vicaire de Wakefield.
3 août 1837.

On prétend qu’une averse suffit pour disperser la foule au jour de l’émeute ; nous pouvons affirmer qu’il n’en est pas de