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LE VICOMTE DE LAUNAY.

thilde dans le salon de la duchesse de T… excita un murmure d’admiration. Sa mise était irréprochable : une ample robe de velours moiré nacarat ceignait sa taille élégante et trahissait le talent inimitable de mademoiselle Baüdrant. (marchande de modes qui excelle dans les petits chapeaux à plumes) ; un turban de gaze d’argent, chef-d’œuvre de Melnotte (cordonnier qui excelle dans les brodequins) faisait valoir sa brune chevelure ; une écharpe d’azur, merveilleux tissu de Fossin (bijoutier du roi), cachait à demi ses blanches épaules ; et son pied coquet et furtif s’avançait, fier de son invisibilité, dans un invisible soulier de Chevet » (marchand de comestibles au Palais-Royal !…).

Au surplus, ces erreurs d’un provincial ne sont pas plus étranges que cette naïveté parisienne que nous avons trouvée l’autre jour dans la Mode : « Mozart prouve la vérité de ce que l’on dit souvent : Le beau ne vieillit pas. Mardi dernier, non-seulement on entendait la bonne et expressive musique d’ il Matrimonio segreto, mais encore ce doux nom de Mozart avait attiré aux Italiens une foule d’élégantes et de jolies femmes. » Ah ! sans doute, il est puissant ce doux nom de Mozart, puisqu’il avait su attirer tant de monde pour entendre le chef-d’œuvre de Cimarosa ! Dans un journal légitimiste, les usurpations ne devraient pas être permises.

Le concert du cercle des Arts était superbe samedi. Duprez a chanté un fort bel air qu’il avait composé lui-même pour cette solennité. Les glaces et le punch avaient remplacé les cigares ce soir-là. Le coup d’œil de la salle était admirable. Point de femmes, mais trois cents hommes vêtus de noir !!!

On vante beaucoup un instrument nouveau dont on doit faire l’essai au prochain concert : le cigare à piston. Cette ingénieuse combinaison de vapeur et d’harmonie est appelée à obtenir le plus grand succès.

Un de nos amis est revenu hier de Versailles par les gondoles. Il s’est fort diverti de la fureur d’un Anglais qui voulait s’arrêter à Sèvres, et qui n’a jamais pu se faire comprendre du cocher. Mais aussi ce voyageur prétentieux s’obstinait à crier : « Gondolier ! gondolier ! » Personne ne répondait à ce cri tout vénitien : « Gondolier ! gondolier ! » Le cocher, qui avait assez