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LE VICOMTE DE LAUNAY.

de madame ; dans celle-là se pavane dans toute sa gloire l’uniforme de garde nationale de monsieur. Au fond des plus petites armoires, sur les étagères, pas un livre non plus ; là où l’on voyait jadis les vers d’André Chénier, les poésies de lord Byron, de Lamartine, de Victor Hugo, de madame Valmore, de madame Tastu, vous trouvez des bergers en flacon, des chiens en porcelaine, des magots chinois, des pots à crème, des théières, des tasses dépareillées, des sucriers sans couvercles, et, ce qui est plus étrange, des soucoupes cassées, mais réparées, grâce à leur cercle d’or, et traîtreusement montées en coupes ! Affreux jeu de mots ! Mais à quoi bon des livres !… Ô progrès ! Que voulez-vous ? les jeunes femmes ne lisent plus, et, chose plus terrible, hélas ! celles qui, par exception, lisent encore un peu… écrivent !!

Aussi, maintenant, les livres d’étrennes ne sont-ils plus que des livres d’enfants. Pour eux, on fait encore des merveilles : mais pour les gens raisonnables, pour les femmes respectables, pour les mères de famille, ce sont les colifichets, les niaiseries de toutes espèces ; les poissons rouges tournant dans un bocal orné de fleurs ; une sonnette en porcelaine surmontée d’une tête chinoise qui vous dit bonjour chaque fois que vous sonnez ; ce sont des paniers fontanges parés de rosettes et de fleurs artificielles, des bâtons de perroquet pour accrocher des bagues ; des choses enfin laides, inutiles et de mauvais goût. Est-ce la faute des marchands ? est-ce la faute des acheteurs ? Pourquoi tous les meubles nouveaux sont-ils si parfaitement incommodes ? Des écritoires trop grandes ou trop petites, dont on ne peut pas se servir ; et puis des complications à n’en plus finir. Nous avons vu hier, par exemple, dans un des plus beaux magasins de Paris, un prie-Dieu devant lequel il est impossible de se mettre à genoux. Le prie-Dieu contient, il est vrai, un encrier et tout ce qu’il faut pour écrire ; ce n’est pas tout : en pressant un ressort, vous en faites jaillir une glace, un miroir de toilette… ce qui est très-commode, n’est-ce pas ? l’idée est heureuse mesdames : vous pourrez, grâce à cette invention, dire vos prières en mettant vos papillotes ; il n’y aura pas de temps perdu.

Les nouvelles dramatiques, les voici : Une comédie et un