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LE VICOMTE DE LAUNAY.

gement est solennel ; nous n’avons jamais compris que l’on fût sans gêne avec Dieu. La cérémonie du mariage a besoin de prestige. Il lui faut de la splendeur ou du mystère, car le mystère est le plus grand des prestiges ; mais ce qu’il faut surtout, c’est agir sur l’imagination ; ce sont les beaux spectacles, les vives impressions qui font les puissants souvenirs ; aussi ces mariages bourgeois, ces mariages de charade, dont le mot n’est pas même époux, vente, nous ont-ils toujours paru d’une haute immoralité, parce qu’ils donnent presque le droit d’être indulgent pour les époux qui agissent comme s’ils n’étaient pas mariés.

Dans le monde, on danse peu encore, mais on chante beaucoup ; les concerts déjà sont brillants. Hier un grand concert a eu lieu chez un célèbre avocat qui n’est point Berryer. Le programme annonçait dix-huit morceaux. Il y avait tant de monde, que personne n’a pu entendre. Cette phrase nous rappelle ce mot de madame G… à propos d’un de nos auteurs, bavard des plus sonores : « Il crie si fort, disait-elle, qu’on ne l’entend pas. »

Vous nous reprochez de couvrir nos étagères et les rayons de nos bibliothèques de vases chinois : c’est un tort que nous avons, il est vrai ; mais admirez les belles fleurs que renferment ces vases, et dites-nous si cet ornement, à la fois gracieux et riche, n’est pas plus convenable dans un salon où l’on vient causer et non travailler, que cet amas pédant de livres noirs et tristes que vous regrettez ; et puis, j’ai peut-être très-mauvais goût, mais j’aime mieux le parfum des fleurs que celui des livres. — Je n’exige pas, madame, que vos salons se changent en bibliothèques, je crois qu’on peut aimer à la fois les livres et les fleurs ; mais puisque vous affirmez qu’une de ces deux passions a remplacé l’autre, j’aurai l’honneur de vous dire franchement que je ne vois pas encore assez de fleurs dans votre salon, où je ne vois pas un seul livre. — Chez moi, peut-être. Mais je veux vous mener chez madame de R…, chez madame de F…, chez madame H…, chez madame D… ; là, vous verrez l’escalier, l’antichambre et tous les appartements remplis de fleurs ; je vous mènerai aussi chez ma cousine, qui a des serres admirables ; je vous forcerai enfin à convenir que