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LE VICOMTE DE LAUNAY.

tant de ridicules divers, vos yeux ont aperçu tant d’objets variés, votre esprit a recueilli tant de souvenirs, que vous êtes réellement vieilli, et lorsque, parlant d’un des événements qui vous ont intéressé, quelqu’un vous dit : « Hier, quand telle chose est arrivée, on a cru… » vous l’interrompez avec étonnement pour lui dire : « Quoi ! ce n’était qu’hier ! » Et depuis quatre jours nous avons partagé des plaisirs si brillants, nous avons vu tant de monde et des personnages si célèbres dont la seule rencontre est un événement, que nous croyons déjà avoir vécu un mois. Paris ne s’est peut-être jamais plus promptement animé que cet hiver. C’est un entraînement de fêtes à perdre la raison, et certes il faut bien que la fureur soit générale puisque nous-même, qui sommes assez sauvage et indolent par caractère, nous écrivons à la hâte ce feuilleton, entre la fête d’hier et le grand bal d’aujourd’hui ; puisque nous avons à peine le temps de constater nos derniers souvenirs, impatient que nous sommes d’en aller chercher de nouveaux. Et pourtant, verrons-nous jamais un plus beau coup d’œil que celui de la fête d’hier ?… Quel palais ! quel luxe ! quelle fraîcheur ! quelle élégance ! Que toutes ces glaces sont joyeuses de répéter tant de merveilles ; que ces peintures sont harmonieuses, que ces dorures sont fines, que ces étoffes sont heureusement choisies ! comme toutes ces choses sont étudiées, soignées, comme tout cela a été artistement médité ! Voyez ! les murs sont des tableaux, les cheminées sont des sculptures, les pendules sont des joyaux, les plafonds sont si riches, si brillants de dessins et de couleurs, qu’ils ont l’air de réfléchir les tapis. Les fenêtres se cachent sous des vêtements de reine ; les fleurs s’enlacent dans des corbeilles d’or ; chacune de nos manufactures semble avoir déposé son plus précieux trésor dans cette superbe demeure. Quels habiles ouvriers il a fallu pour accomplir ces travaux magnifiques ! que de jeunes artistes ont dû veiller pour trouver tous ces dessins nouveaux ! que de patience il a fallu ! que d’étude, que de soins, que de goût, que de génie peut-être, car c’est plus qu’un palais, c’est un chef-d’œuvre !

Et c’était plaisir de voir des caravanes d’admirateurs errer dans ces splendides appartements. On partait pour la salle à manger, et dans la galerie de fleurs on rencontrait une autre