Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LE VICOMTE DE LAUNAY.

avec lui contre un passé horrible qu’il abjure ; aspirant vers le beau, comprenant les délicatesses les plus exquises, mais abruti, mais dégradé, indigne des nobles sentiments qu’il éprouve, ne pouvant déployer ses ailes rongées, ne pouvant respirer dans un air trop pur, ne pouvant se diriger dans ces régions inconnues ; retombant alors épuisé et vaincu dans l’abjection première, malgré ses efforts courageux, parce que sa pensée est à jamais flétrie, parce qu’une éducation pour ainsi dire malsaine a gangrené son cœur.

Vous le voyez, dans cette grande œuvre que ces deux génies poursuivent en même temps, c’est toujours l’âme humaine qui est l’héroïne, c’est elle qu’on éprouve, qu’on se dispute, c’est elle qui est l’étude enfin. Dans l’œuvre de Lamartine, elle lutte avec l’esprit du mal et triomphe ; dans l’œuvre de Victor Hugo, elle cherche avec instinct le bien, qu’une sainte passion lui révèle ; mais on la repousse du pied, et elle succombe. Ainsi Jocelyn a voué ses jours aux autels ; une femme vient qui lui dit : « Je t’aime, » et Jocelyn sent faillir ses résolutions, l’amour l’égare, il ne voit plus le temple qu’avec effroi, et il faut que la religion soit en péril, il faut qu’un prêtre meure comme un martyr, il faut qu’un peuple entier verse des ruisseaux de sang et de larmes pour le ramener au devoir. Ainsi, dans la Chute d’un ange, Cédar, ange exilé, a donné sa vie au plus pur amour : aimer son Dieu, sa femme et ses enfants, voilà sa vertu. Une courtisane vient qui lui dit aussi : « Je t’aime, » et Cédar est entraîné par une ruse, et l’indigne Lakmy trouve au sein des flots le châtiment du crime qu’elle a fait commettre. Maintenant voyez dans l’épreuve contraire le même effet. De grâce, encore quelques mots sur ce grave sujet ; dans un instant, nous vous dirons que mademoiselle Baudran fait des turbans de velours qui sont admirables.

Quasimodo est un monstre dégradé par la laideur ou plutôt par la hideur et abruti par une monomanie. Quasimodo, amoureux de ses cloches, tout à coup aime une jeune fille, il aime… et l’étincelle divine qu’étouffait sa difformité se révèle ; il aime d’un amour pur, délicat, sublime, il aime d’amour enfin, car il n’y a qu’un amour ; il aime comme Saint-Preux, comme Roméo, comme don Carlos, comme les modèles classiques de