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LETTRES PARISIENNES (1838).

LETTRE HUITIÈME.

Luxe des parures. — Les guipures défendues par un édit de Louis XIV.
14 décembre 1838.

Oh ! le bon froid ! le bon soleil ! le bon feu ! il est trois heures et nous voyons clair ! Ô merveille ! il y avait longtemps que nous n’avions vu un véritable jour. Aussi, tout le monde était dehors ce matin. Les boulevards étaient superbes ; ce n’était que chapeaux à plumes, chapeaux voilés de dentelles, mantelets garnis de fourrures, châles de cachemire, robes de satin, robes de velours et falbalas de toute espèce ; la mode des riches étoffes est revenue. On a longtemps prêché aux femmes une élégante simplicité ; elles ont d’abord paru sensibles à ces exhortations dictées par les sentiments les plus raisonnables : pendant plusieurs années les grandes parures ressemblaient à des demi-négligés, les robes de bal étaient franchement des robes de dessous ; les chapeaux habillés étaient de naïves capotes de pensionnaires ; une merveilleuse en visite du matin était mise comme une femme de chambre anglaise ; et lorsqu’on la voyait nonchalamment assise dans sa calèche, on se demandait pourquoi elle n’était pas restée sur le siège. Aujourd’hui ce n’est plus cela, les femmes ont découvert qu’elles étaient dupes d’un manège, et que leur crédulité les avait entraînées trop loin. Les hommes disaient : « Une femme comme il faut doit éviter tout ce qui la ferait remarquer ; les parures qui font trop d’effet, les bijoux, les fleurs, les plumes, ne doivent paraître que les grands jours. » Et les femmes comme il faut, dans leur bonhomie, s’en allaient au spectacle avec de modestes capotes, des douillettes bien simples, des collerettes plissées très-montantes, et elles s’établissaient dans le coin de leurs loges en violettes de bonne compagnie. Et puis, au milieu du spectacle, apparaissait dans une loge d’avant-scène un astre éblouissant, une femme qui n’était pas beaucoup plus jolie qu’une autre, mais qui était si richement parée qu’il fallait bien l’admirer malgré tout. Elle avait trois énormes plumes sur son chapeau, une guirlande de roses sous ce même chapeau, et une ferronnière en diamants sous cette guirlande ;