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LETTRES PARISIENNES (1838).

blés d’une façon charmante, d’où les mères peuvent assister aux leçons d’équitation que prennent leurs fils et leurs filles, et où les jeunes écuyères viennent quitter leur habit de cheval. Derrière cette galerie sont les salons du cercle, salon de whist, salle à manger, salle de billard, vestiaire, bibliothèque et atelier de peinture ; puis une autre salle d’armes, puis un salon pour fumer, puis un boudoir mystérieux, tout rempli de squelettes de chevaux, d’ouvrages consciencieux sur l’art vétérinaire, sur la science de l’équitation : livres, dessins, gravures, statuettes, phénomènes intéressants, rien n’y manque ; c’est un cabinet d’hippiatrique complet, qui doit fort séduire les savants écuyers, et qui sera surtout d’une grande ressource pour les ignorants amateurs, car l’hippiatrique a ses importants comme les autres sciences, la physique, la thérapeutique, la politique et la statistique. Le sportsman, ce monomane élégant, ce savant futile, n’est pas exempt de prétention ; les pédants ne sont pas tous à pied, et ce sera pour nos jeunes dandys une occasion excellente d’apprendre en peu de temps quelques termes spéciaux de la science à la mode. Il est si agréable de pouvoir jeter légèrement dans la conversation une vingtaine de mots qui ne sont compris de personne !

Dans cette vaste école les chevaux ne sont pas moins bien traités que les élèves : il y a là écurie pour soixante chevaux, comme on voit ailleurs salon de soixante couverts ; on a construit deux étages d’écuries. L’écurie souterraine sera fort belle. Et quels chevaux ! À la bonne heure ! ce ne sont plus ces vieillards complaisants qui se prêtaient jadis avec tant de perfidie aux promenades des manèges ; chevaux égoïstes et sournois, qui, pour se faire toujours regretter, vous donnaient les plus fausses idées sur le caractère de leurs semblables, et ne vous apprenaient qu’une seule chose, à tomber avec grâce dès que vous montiez un cheval véritable ; quadrupèdes somnambules, coursiers à roulettes, flétris du nom de cheval de manège, c’était jadis la traduction libre du nom de Rossinante. Aujourd’hui ce n’est plus cela, la réforme est radicale ; l’art de l’équitation ne sera plus un art illusoire. Maintenant, ce que nous allons dire va vous étonner, vous aurez de la peine à nous croire, mais vous verrez que cela sera ainsi ; — main-