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LE VICOMTE DE LAUNAY.

tenant, quand on aura pris des leçons au manège, on saura monter à cheval, ce qui ne s’était jamais vu. Ce n’est pas tout : on apprendra aussi dans cette école les lois de l’élégance, les règles du savoir-vivre. Cette écurie est plus fashionable que bien des salons : la société y est fort choisie ; on n’y admet que des hommes de bonne compagnie et que des chevaux de bonne maison.

Cette semaine, on ne s’est occupé que de l’ouverture de la session. Compte rendu de la séance d’hier : Vive agitation ; cris : Aux voix ! aux voix ! Vive agitation, vives rumeurs ; explosions à gauche, vives réclamations à droite ; agitation ; bruit à gauche, rumeur à droite ; vives et nombreuses réclamations ; vifs murmures à gauche ; nouveaux murmures à gauche ; agitations, rumeurs, violents murmures, etc., etc. Comment voulez-vous qu’on ne s’occupe pas de ces choses-là ? Et cela s’appelle délibérer sur les affaires de l’État ! Pauvre État !… Quelqu’un a nommé la coalition une émeute parlementaire. Une émeute, oui ; mais parlementaire, non.

Ceux qu’une politique de brouillons et de mécontents envieux attriste, ennuie et décourage, s’occupent de mademoiselle Rachel et de mademoiselle Garcia. Deux petites filles remplies de talent et d’inspiration valent mieux qu’une vingtaine de vieux fous sans idées.

Les plaisirs bienfaisants ont déjà commencé : la vente et la loterie au profit des réfugiés polonais doivent avoir lieu cette semaine ; des fées charmantes, de bonnes fées, ont fait en leur honneur des merveilles. Depuis trois mois, on veille dans les ateliers de bienfaisance : les grandes dames de charité n’ont pas un moment de repos ; ces femmes vertueuses travaillent comme des forçats, bien plus encore vraiment ; car le zèle a plus de force que la soumission ; la générosité est plus active que la peur, qui est pourtant bien active. On parle de chefs-d’œuvre en broderies, en dessins, en tapisserie et en tricot ! nous allions oublier le tricot, ce travail élégant par excellence et tant à la mode aujourd’hui. Jamais peut-être on n’a tricoté avec plus d’ardeur, même du temps affreux des tricoteuses. Cette fois ce ne sont plus des femmes vindicatives et méchantes qui se livrent à ce travail innocent ; ce sont de belles et gra-