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LETTRES PARISIENNES (1838).

cieuses personnes, qui ne sont pas cruelles du tout, qui n’assistent à aucune condamnation sanguinaire, et qui demandent tout au plus, en riant, un changement de ministère. Or savez-vous ce que ces dames font en tricot ? des cordons de sonnette, des couvre-pieds et des brioches. Les brioches font fureur : on ne les sert pas avec le thé, celles-là, on les met sous ses pieds, et ce ballon de plumes et de laine vous tient très-chaud. Vous trouverez aussi au Bazar polonais force coussins, pelotes, chaises, tabourets, fauteuils, le tout brodé parfaitement ; mais ce qui frappera vos regards, ce sont les paravents faits par madame la princesse C… et par madame la princesse de W… C’est une broderie belle comme un tableau. Ces ouvrages charmants à voir éveillent encore en vous de douces pensées ; toutes ces merveilles sont écloses sous une généreuse inspiration : les nobles ouvrières à qui elles ont coûté tant de peine avaient pris, en travaillant, cette devise, ce mot d’ordre sublime qui a déjà changé le monde : Patience et charité !




ANNÉE 1839.


LETTRE PREMIÈRE.

Étrennes, boutiques, marchands. — Judith. — La fausse modestie.
4 janvier 1839.

Ah ! reposons-nous enfin ! le calme renaît dans Paris, le bruit cesse, les chevaux s’arrêtent, les marchands respirent ; depuis huit jours ils n’ont point dîné, ils n’ont point dormi. Quelle activité ! quel délire ! que de monde sur les boulevards, et quels boulevards ! Des montagnes de neige et des étangs de boue ; et de jolis enfants, des femmes presque parées qui nageaient dans ce chaos, à travers les omnibus et les fiacres de tous les rangs et de toutes les couleurs qui encombraient le passage. Pendant les deux premiers jours de cette grande fête, de ce temps de folies généreuses qu’on nomme les étrennes, un verglas perfide couvrait les pavés ; ils s’étaient faits bonbons