Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
LE VICOMTE DE LAUNAY.

De ces bruits et nouvelles de salon, passons, par un contraste, à quelque chose de plus rude et de plus coloré. — On dit que l’équipage de M. le prince de W…, cette admirable meute, peut-être la plus vite et la mieux créancée (pardon de ce terme de vénerie) qui soit en France, va s’établir pendant quelque temps à Ermenonville pour y chasser plusieurs animaux qui se trouvent dans ces cantons. Voici une terrible rivalité pour les sportsmen de l’Union. La chasse anglaise et la chasse française seront en présence : la chasse anglaise, avec ses daims ou ses renards privés, presque caressants, pauvres animaux qui, renfermés toute la semaine dans leurs box, considèrent les poursuites qu’on leur fait de temps en temps comme une distraction qu’on leur donne, et la prennent fort à leur aise : — et la chasse française, avec ses beaux cerfs bien sauvages, ses noirs sangliers bien terribles, qu’elle attaque dans la vaste forêt, au bruit sonore de la trompe, et qu’elle poursuit ensuite par monts et par vaux avec un art qui défierait les subtilités de ces Indiens dont parle Cooper ! Tout en reconnaissant l’élégance, la facilité, la hardiesse de la chasse anglaise, de cette course rapide et dévorante qui dure une heure ; tout en avouant que rien n’est plus joli que les grandes plaines de vert gazon émaillées d’habits rouges que le vent semble emporter, nous ne pouvons nous défendre d’un sentiment de partialité pour cette belle et antique vénerie française, pour sa science, et même pour ses fatigues, ses dangers, lorsqu’il s’agit de tuer à cinq pas un sanglier furieux ou un cerf aux abois. — Oui, nous aimons à entendre résonner ses nobles fanfares dans la solitude des grands bois ; nous aimons ce costume tout national, tout français, des piqueurs et des chasseurs aux jours solennels ; et, puis c’est un dernier legs du temps passé, le seul débris qui reste de cette existence de grands seigneurs qui nous fait honte aujourd’hui. — Voilà pourquoi nous sommes ravi d’apprendre que M. le prince de W… doit envoyer son équipage demain dans la forêt de Sénart.

La nouveauté littéraire de la semaine, c’est Une larme du diable, par Théophile Gautier. Ce livre, d’une grande originalité, veut être une raillerie de l’école panthéiste ; mais l’auteur, emporté par la poésie de son sujet, est touchant malgré