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LE VICOMTE DE LAUNAY.

de repos, s’éveiller tout à coup et s’élancer à sa toilette au premier signal de la coquetterie. D’où venait-elle, cette robe si parfaite et si jolie ? quelle fée bienfaisante l’avait commandée à ses génies ? Cela était facile à deviner. Il n’y a qu’une amie véritable qui sache prendre de pareils soins, et l’on a bien vite reconnu une amie véritable, car c’est une épreuve infaillible. Ô femmes belles ! écoutez ce secret, qu’il vous serve de guide en vos amitiés : Celle qui vous admire vous trompe ; celle qui vous fait admirer vous aime !

Et le soir nous avons vu les deux jeunes amies, fères chacune de la beauté de l’autre, errer dans les salons de l’ambassade d’Angleterre, suivies d’un cortège de curieux qui se changeaient bientôt en appréciateurs enthousiastes. Ces deux gracieuses lionnes, entourées d’hommages, faisaient rugir de dépit toutes sortes d’ex-lionnes en disponibilité. Les magnifiques diamants de madame la princesse Doria {diamants historiques, parmi lesquels on remarque le Doria, gros comme un petit pavé de Juillet et célèbre dans la famille des diamants) faisaient pâlir plus d’un collier, plus d’un bandeau de diamants parvenus. Cette superbe parure, qui produisait une si grande sensation, était pour nous une ancienne connaissance ; nous l’avions déjà bien admirée, il y a quelque dix années, sur un front aussi beau, mais plus sévère. Alors cette parure était portée aussi par une princesse Doria, belle-mère de celle qui vient d’arriver à Paris ; ce n’était pas une blonde et svelte Anglaise comme lady Talbot, mais une grande et brune Romaine aux traits réguliers, aux regards imposants, digne de Rome antique par la noblesse de sa démarche et la fierté de son caractère, digne de Rome sainte par sa bonté charitable et l’ardeur de sa piété.

Nous l’avons vue un soir, il nous en souvient, parée de ces merveilleux diamants, à un grand recivimento, chez M. le comte de C…, ambassadeur extraordinaire du roi des Pays-Bas près le saint-siège. — Nous l’avons vue encore une autre fois dans une des salles du Vatican, non en robe de velours et couverte de diamants, mais en robe de laine avec un tablier de toile, et lavant dans un baquet véritable les véritables pieds des pèlerines. C’est l’usage à Rome : les grandes