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LETTRES PARISIENNES (1838).

pour exciter le courroux des autans ? Avez-vous offensé les dieux ? avez-vous profané l’autel d’Apollon ? le dieu du jour se cache-t-il pour se dérober à l’audace de vos regards ? — Non, Apollon est notre maître, notre vie est consacrée à le servir. — Avez-vous oublié de faire des libations à Neptune avant de vous embarquer pour le Havre ? voire même pour Saint-Cloud ? — Nous n’avons point voyagé depuis un an. — Quel est donc votre crime, imprudent mortel ? pourquoi fait-il si froid depuis huit jours ? qu’avez-vous fait pour nous valoir cette saison mortelle ? — Hélas ! hélas ! nous avons fait ce que tout le monde fait à cette époque, ce que la sagesse, l’économie, le soin, l’élégance même nous ordonnaient de faire, mais ce que nous n’avons jamais pu risquer impunément. — Eh ! dites donc ? — Nous avons fait enlever nos tapis !… » Jamais cet effet n’a manqué pour nous. Depuis bien des années nous en faisons l’expérience. Nous le prédisions il y a huit jours, et l’on nous raillait en disant : « La chaleur est insupportable, faites donc ôter vos tapis, pour que le temps change et qu’il nous vienne un peu de fraîcheur. » Nous avons obéi, et ceux qui nous insultaient de leur ironie sont aujourd’hui confondus et morfondus, parce que nos prédictions se sont accomplies. Puissent les frileux nous pardonner !

Quant aux directeurs de spectacle, ils doivent nous bénir, les théâtres sont remplis les jours où les jardins lyriques sont déserts.

On est fort occupé, à Londres, de la grande fête chevaleresque que lord Eglington doit donner en Écosse, au mois de septembre prochain. Pour recevoir dignement les six cents personnes invitées qu’il faudra loger, ainsi que toute leur suite, lord Eglington fait construire un second château en bois, tout pareil au véritable château. De la sorte, tout le monde sera traité également ; le château improvisé paraîtra aussi beau que le château naturel, et celui qui ne doit vivre qu’un jour aussi confortable que celui qui dure déjà depuis des siècles. Des costumes pittoresques, costumes du temps, seront distribués à tous les paysans de la contrée. On annonce un tournoi merveilleux, dont le duc de Beaufort sera le juge. Lord Chesterfield sera, dit-on, au nombre des combattants. Déjà plusieurs