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LETTRES PARISIENNES (1839).

quelques années, et ce souvenir nous amuse encore, nous avons assisté à une distribution de prix dans une petite ville des environs de Paris. Pour douze vainqueurs, on n’avait que quatre couronnes, et ces quatre pauvres couronnes avaient bien de la peine à remplir leurs glorieuses fonctions ; elles voyageaient sans cesse de front en front, de main en main ; sitôt qu’une couronne était posée sur une jeune tête, on l’en arrachait vivement pour la repasser au professeur, qui en recouronnait une autre jeune tête : il s’était établi dans l’auditoire une chaîne comme dans les incendies, mais au lieu de se passer de main en main des seaux d’eau, on se passait des couronnes. Cette grande économie d’osier nous étonnait, nous ne devinions pas pourquoi on avait été si avare de ce faux laurier domestique ; un laurier qui se prête si généreusement à faire des cages à pie, des paniers à salade et des carrioles de boucher, devait se plier avec plus de complaisance à parer le front des vainqueurs. En effet, on l’avait trouvé docile, il avait livré amplement les douze couronnes nécessaires au triomphe ; mais sur les douze huit avaient péri par accident et l’on n’avait pas eu le temps de les remplacer. Par quel accident ? nous demanderez-vous ; nous n’osons vous le dire, car vous ne voudrez pas nous croire : les couronnes, tressées avec art, avaient été déposées sur un banc dans la cour de l’école, un âne était venu et les avait mangées ; un âne, brouter ainsi la gloire de jeunes savants ! c’était une profanation indigne.

Il n’en avait nul droit, puisqu’il faut parler net ;
Mais n’allez pas crier haro sur le baudet.

Le fait est authentique, et nous n’en sommes point responsable.

Cette année, nous avons aussi assisté à une distribution de prix dans un des meilleurs pensionnats de la capitale. Rien n’était plus pittoresque et même plus poétique que cette soirée ; elle nous a laissé un souvenir charmant. Figurez-vous une immense galerie, brillamment éclairée et remplie de monde. Au fond de la galerie est le groupe des jeunes filles ; en face d’elles, la masse des parents. Nous arrivons à huit heures,