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LE VICOMTE DE LAUNAY.

grin en robe de bal ; ce cœur brisé, qui sourit avec tant de grâce, cet ange de résignation et de bonté ; c’est une grande dame spirituelle, insolente, enjouée, vive, moqueuse et rieuse à faire envie ; ce n’est plus enfin mademoiselle Mars, c’est mademoiselle Contat. La famille anglaise était enchantée. Elle trouvait cette duchesse adorable, mais elle restait confondue ; on ne lui avait pas prédit ce genre d’admiration. Miss Lucy, n’y comprenant plus rien, disait toujours : « Mistress Blackway, ma cousine, raconte que mademoiselle Mars l’a tant fait pleurer !… — Mistress Blackway a raison. Quand vous verrez Louise de Lignerolles, vous pleurerez. En attendant, mesdames, écoutez les Deux Frères, et regardez mademoiselle Doze qui est si jolie. » Pour la jeune débutante, nouveaux applaudissements dans la salle, nouvel enchantement dans notre loge. Mademoiselle Doze a fort bien joué la grande scène du second acte ; elle a obtenu un succès de larmes. — Monrose a été parfait dans le rôle du vieux marin. Il est impossible d’être à la fois plus comique et plus attendrissant.

Le monde savant est bouleversé par l’apparition d’un nouveau phénomène. Il s’agit d’une fausse anguille, d’un faux lézard, que l’on s’arrache ; chacun se dispute la découverte du proteus anguineus. Ce poisson qui a des pattes, ce lézard qui n’a point, d’yeux, habite le séjour inhabitable, c’est-à-dire le cœur de la terre. On ne le trouve que dans la rivière souterraine qui traverse les grottes d’Adelsberg. C’est là que notre ami le voyageur en a pêché un l’année dernière, avec la facilité et l’adresse que donne un florin dans ce pays. Il y en a un dépôt considérable chez l’épicier du village, qui les cède à de fort bonnes conditions morts ou vivants. Nous croyons devoir donner ce renseignement à messieurs les naturalistes qui cherchent le proteus en ce moment par toute la terre. Nous ajouterons aussi, pour compléter leurs pénibles observations sur les mœurs de cet intéressant lézard, autre ami de l’homme, que le proteus vit à merveille au fond d’un sac de nuit, sans eau, même quand le bocal qui le renfermait s’est brisé. Cette observation a été faite par notre ami, qui a retrouvé à Venise en parfaite santé, dans la poche de son gilet, le proteus anguineus qu’il avait emporté d’Adelsberg. Un prix est,