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LE VICOMTE DE LAUNAY.

beau. — De loin, peut-être ; mais de près, on voit bien qu’il est faux. — Ah ! ma chère, vous avez là une jolie broche ! — Ah ! c’est ma moins jolie, j’en ai dix-huit… »

Telle autre maîtresse de maison a pour prétention d’avoir un salon politique ; mais comme elle ne peut atteindre aux sommités du genre, elle recrute toutes les doublures de la diplomatie et de l’administration. On ne trouve chez elle que des attachés, des sous-préfets, des sous-secrétaires, des sous-intendants, des substituts. On s’y raconte bas à l’oreille les nouvelles qui ont paru le matin dans les journaux. On y prédit la chute des ministres qui viennent d’envoyer leur démission. Et toutes les discussions se terminent par cette prière : « Si votre oncle est ministre, n’est-ce pas, vous nous donnerez des loges ? »

Pour les jeunes gens, le suprême bon ton est d’être de tous les bals, de tous les concerts, et de pouvoir dire de tous : J’irai, ou : J’y étais.

Conversation : « Étiez-vous hier rue… ? — Oui, j’y étais ; il y avait un monde affreux ! — Allez-vous ce soir place… ? — Oui ; il y aura un monde fou. — Allez-vous demain à la préfecture ? — J’irai ; c’est la collection des jolies femmes ! — Je ne vous ai pas vu au concert de L… — Comment ! j’y étais. Mais vous qui parlez, je ne vous ai pas vu à la représentation de M. de Castellane ! — Ah ! c’est charmant… c’est moi qui soufflais ! — Demain, j’ai une journée terrible ! — Et moi donc, je répète le quadrille pour le bal Thorn ! — Et moi, je répète l’opéra des Polonais ! — À midi, j’essaye mon costume de postillon ; il est trop large, ça fait mon désespoir ! — Moi, j’essaye une romance ; elle est trop haute, il y a un sol qui fait mon malheur ! — Je monte au bois, avec Dérouvillettes et de Falvières. — Je tâcherai d’aller vous y joindre… mais un peu tard. — Irez-vous demain voir la débutante ? — Oui, j’ai deux loges. — Moi, j’ai trois places, dans trois loges différentes. — Et après le spectacle ? — Nous avons le bal de P…. — Et puis le bal de l’Opéra… Quelle journée ! je ne sais pas comment je pourrai trouver le temps d’aller faire des armes chez Mongiral. — Et moi, je ne vois pas où je trouverai un moment pour fumer mes vingt cigares… »