Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
LE VICOMTE DE LAUNAY.

compromises par ceux-là mêmes qui devraient nous guider ? N’avons-nous pas enfin le droit de dire à ceux qui nous représentent ainsi : « Messieurs, nous ne vous ressemblons pas ? »

L’alliance de M. de Lamennais et de George Sand fait beaucoup parler. Pour nous, à chaque amitié nouvelle de George Sand, nous nous réjouissons : chacun de ses amis est un sujet pour elle ; chaque nouvelle relation est un nouveau roman. L’histoire de ses affections est tout entière dans le catalogue de ses œuvres. Jadis, elle rencontra un jeune homme distingué, élégant et froid, égoïste et gracieux, un ingrat de bonne compagnie, ce qu’on appelle un homme du monde, et M. de Ramière vit le jour, et notre littérature vit surgir un chef-d’œuvre, et le nom d’Indiana retentit dans toute la France, malgré le choléra, malgré les émeutes, qui, à cette époque, se disputaient nos loisirs. Plus tard, un jeune homme d’une condition moins brillante, mais d’une bonne famille et doué d’un admirable talent, est présenté à George Sand ; ce jeune homme, pour lui plaire, fait résonner sa douce voix : à ses nobles accents, George Sand s’inspire, et bientôt ses lecteurs enchantés apprennent que Valentine a donné sa vie à Bénédict. À l’horizon apparaît un poète, et soudain George Sand a révélé Stenio. Un avocat se fait entendre, et George Sand se montre au barreau, et Simon obtient la main de Fiamma pour prix de son éloquence. Enfin, George Sand rencontre sur sa route périlleuse un saint pasteur, et voilà que les idées pieuses refleurissent dans son âme, et voilà George Sand qui redevient morale, austère même, plus austère que la vertu ; car la vertu consiste à refuser simplement ce qui est mal. George Sand va plus loin, elle pousse le scrupule jusqu’à refuser ce qui est bien, et l’on voit sa dernière héroïne, en compensation de toutes les autres, refuser obstinément un bon et honnête mariage qui ferait son bonheur, celui de toute sa famille, mais que George Sand trouve plus généreux de lui faire dédaigner. On voit qu’il y a encore un peu de confusion dans cette renaissance des idées pures ; l’auteur dépasse le but, parce qu’il l’avait perdu de vue un moment ; mais il y veut revenir, et c’est déjà beaucoup. L’exagération même du principe prouve la bonne foi du retour ; ce n’est pas précisément