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LE VICOMTE DE LAUNAY.

pêtes savaient vous décrire sur quels récifs effrayants ils sont forcés de déposer leurs nids, et quelles guerres des reptiles impitoyables livrent à leurs tremblantes amours ; si, dans les voix mugissantes de la rafale, vous pouviez saisir le sens de ces cris inconnus, de ces plaintes lamentables, que les esprits de l’air exhalent dans des luttes terribles, mystérieuses, vous ne voudriez être ni la vague sans rivage, ni l’oiseau sans asile, ni le vent sans repos. Vous aimeriez mieux attendre l’éternelle sérénité de l’autre vie sur un écueil stérile ; là, du moins, vous avez le loisir de prier, et la résignation de la plus humble espérance vaut mieux que le combat du plus orgueilleux désespoir ! »

Cette image est belle, cette pensée est noble, et ce langage est si harmonieux, que nous nous sommes surpris lisant tout haut ce passage comme nous aurions lu des vers. Pour avoir le droit de parler ainsi de George Sand, il faut bien prouver qu’on sait l’admirer.


LETTRE SIXIÈME.

Le monde parisien qui s’ennuie toujours, le monde parisien qui s’amuse toujours. — Chasse à Chantilly. — Modes.
15 mars 1837.

Il y a à Paris deux mondes bien distincts, deux sociétés aussi différentes que deux sectes, aussi séparées que deux troupes d’ennemis : elles ne se tiennent que par un seul et même sentiment, le dédain ; oh ! mais un mépris mutuel plein de sympathie, une pitié réciproque et d’une égalité visible, et vraiment nouvelle à observer, en ce qu’elle part des deux côtés d’un point opposé, pour arriver au même centre, et que, pour exprimer les idées les plus contraires, elle se sert des mêmes mots. Le premier de ces mondes est le monde grave, aristocratique pur, le monde dépositaire des anciennes vertus, des anciennes croyances ; le monde chez qui la dignité est plus qu’une nature, est devenue un système, qui cherche par devoir ce qu’on devrait choisir par conviction ; mais enfin qui le cherche, qui veut le bien, qui le fait, qui respecte tous les mots sacrés, toutes les choses saintes, qui révère l’Église, la famille,