Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/164

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s’introduira parmi les socialistes. Elle y est déjà, et c’est ce qui sauve la France.

Adieu, mon cher Félix, fais dire à ma tante que je me porte bien.


Paris, le 9 septembre 1850.

Mon cher Félix, je t’écris au moment de me lancer dans un grand voyage. La maladie, que j’avais quand je t’ai vu, s’est fixée au larynx et à la gorge. Par la continuité de la douleur, et l’affaiblissement qu’elle occasionne, elle devient un véritable supplice. J’espère pourtant que la résignation ne me fera pas défaut. Les médecins m’ont ordonné de passer l’hiver à Pise ; j’obéis, encore que ces messieurs ne m’aient pas habitué à avoir foi en eux.

Adieu, je te quitte parce que ma tête ne me permet plus guère d’écrire. J’espère être plus vigoureux en route.


Rome, le 11 novembre 1850.

Si je renvoie de jour en jour à t’écrire, mon cher Félix, c’est qu’il me semble toujours que sous peu j’aurai la force de me livrer à une longue causerie. Au lieu de cela, je suis forcé de restreindre toujours davantage mes lettres, soit que ma faiblesse augmente, soit que je me déshabitue de la plume. — Me voici dans la ville éternelle, mon ami, malheureusement fort peu disposé à en visiter les merveilles. J’y suis infiniment mieux qu’à Pise, entouré d’excellents amis qui m’enveloppent de la sollicitude la plus affectueuse. De plus, j’y ai retrouvé Eugène, qui vient passer avec moi une partie de la journée. Enfin, si je sors, je puis toujours donner à mes promenades un but intéressant. Je ne demanderais qu’une chose, être soulagé de ce que mon mal au larynx a d’aigu ; cette continuité de souffrance me désole. Les repas sont pour moi de vrais supplices. Parler, boire, manger, avaler la salive, tousser, tout cela sont des opérations dou-