Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À la vérité, la paix universelle est considérée, en beaucoup de lieux, comme une chimère, et, par suite, le congrès comme un effort honorable mais sans portée. Ce sentiment règne peut-être plus en France qu’ailleurs, parce que c’est le pays où l’on est le plus fatigué d’utopies et où le ridicule est le plus redoutable.

Aussi, s’il m’eût été donné de parler au congrès, je me serais attaché à rectifier une si fausse appréciation.

Sans doute, il a été un temps où un congrès de la paix n’aurait eu aucune chance de succès. Quand les hommes se faisaient la guerre pour conquérir du butin, des terres ou des esclaves, il eût été difficile de les arrêter par des considérations morales ou économiques. Les religions mêmes y ont échoué.

Mais aujourd’hui deux circonstances ont tout à fait changé la question.

La première, c’est que les guerres n’ont plus l’intérêt pour cause ni même pour prétexte, étant toujours contraires aux vrais intérêts des masses.

La seconde, c’est qu’elles ne dépendent plus du caprice d’un chef, mais de l’opinion publique.

Il résulte de la combinaison de ces deux circonstances, que les guerres doivent s’éloigner de plus en plus, et enfin disparaître, par la seule force des choses, et indépendamment de toute intervention du congrès, car un fait qui blesse le public et dépend du public doit nécessairement cesser.

Quel est donc le rôle du congrès ? C’est de hâter ce dénoûment d’ailleurs inévitable, en montrant à ceux qui ne le voient pas encore en quoi et comment les guerres et les armements blessent les intérêts généraux.

Or, qu’y a-t-il d’utopique dans une telle mission ?

Depuis quelques années, le monde a traversé des circonstances qui, certes, à d’autres époques, eussent amené