Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/289

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dernier espoir s’évanouir ? Quant à moi, je ne le sais pas.

Électeurs, rendons-nous à notre poste, songeons que la prochaine législature porte dans son sein toutes les destinées de la France ; songeons que ses décisions doivent étouffer à jamais, ou prolonger indéfiniment, cette lutte déjà si longue entre l’ancienne France et la France moderne ! Rappelons-nous que nos destinées sont dans nos mains, que c’est nous qui sommes les maîtres de raffermir ou de dissoudre cette monstrueuse centralisation, cet échafaudage construit par Bonaparte et restauré par les Bourbons, pour exploiter la nation après l’avoir garrottée ! N’oublions pas que c’est une chimère de compter, pour l’amélioration de notre sort, sur des couleurs et des noms propres ; ne comptons que sur notre indépendance et notre fermeté. Voudrions-nous que le pouvoir s’intéressât plus à nous que nous ne nous y intéressons nous-mêmes ? Attendons-nous qu’il se restreigne si nous le renforçons ; qu’il se montre moins entreprenant si nous lui envoyons des auxiliaires ; espérons-nous que nos dépouilles soient refusées si nous sommes les premiers à les offrir ? Quoi ! nous exigerions de ceux qui nous gouvernent une grandeur d’âme surnaturelle, un désintéressement chimérique, et nous, nous ne saurions pas défendre, par un simple vote, nos intérêts les plus chers !

Électeurs, prenons-y garde ! nous ne ressaisirons pas l’occasion, si nous la laissons échapper. Une grande révolution s’est faite ; jusqu’ici en quoi a-t-elle amélioré votre existence ? Je sais que les réformes ne se font pas en un jour, qu’il ne faut pas demander l’impossible, ni censurer à tort et à travers, par mauvaise humeur ou par habitude. Je sais que le nouveau gouvernement a besoin de force, je le crois animé des meilleures intentions ; mais enfin il ne faut pas fermer les yeux à l’évidence ; il ne faut pas que la crainte d’aller trop vite, non-seulement nous frappe d’immobilité, mais encore nous ôte l’espoir d’avancer ; et s’il n’a