Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/40

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maine, du moteur social, de la responsabilité, de la solidarité. etc…. L’œuvre ainsi conçue était commencée quand je me suis aperçu qu’il était mieux de fondre ensemble que de séparer ces deux ordres de considérations. Mais alors la logique voulait que l’étude de l’homme précédât les recherches économiques. Il n’était plus temps… »

Il n’était plus temps en effet ! Bastiat ne s’était décidé à écrire les Harmonies que parce qu’il commençait à sentir que ses jours étaient comptés. On le devine à l’entassement tumultueux d’idées du dernier chapitre[1] et aux plaintes qui lui échappent sur le temps qui lui manque. Tout en continuant à jeter au courant des discussions du jour quelques-unes de ses belles pages, — comme la polémique avec Proudhon dans La Voix du Peuple, la Loi, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, l’article Abondance, pour le Dictionnaire de l’économie politique, il préparait avec une ardeur fébrile des ébauches du second volume des Harmonies. Il ne voulut pas s’attarder à réparer dans le repos ses forces épuisées ; il mit tout son enjeu sur un dé, il crut qu’il pourrait peut-être gagner de vitesse sur les progrès du mal, et arriver par un élan suprême à ne tomber qu’au but… Dans ce steeple-chase désespéré contre la mort, il a perdu.

Quand un homme, à l’âge de quarante-cinq ans, brise d’un seul coup tous les liens de son passé, comme l’a fait Bastiat, et, sans l’ombre d’ambition, se jette d’une solitude méditative dans l’ardente atmosphère de l’action, vous pouvez être sûr que cet homme ne s’arrêtera plus que dans

  1. Le chapitre X. Le reste de l’ouvrage se compose de fragments recueillis après sa mort et réunis dans l’ordre indiqué par Bastiat lui-même.