Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/424

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forcés, par notre législation, de distribuer en primes aux monopoleurs la moitié peut-être de leurs modiques profits. Quel moyen nous restera-t-il de soutenir la lutte, alors que capitaux, houille, fer, transports, impôts, main-d’œuvre, tout reviendra plus cher au fabricant français ; alors que les navires étrangers, soumis à des droits protecteurs de navigation, seront réduits à venir sur lest chercher nos produits dans nos ports, et que nos propres bâtiments, privés, par la prohibition, de tous moyens de faire des chargements de retour, seront forcés de faire supporter double fret à nos exportations ?

En même temps que, par le bon marché des subsistances, les classes ouvrières d’Angleterre seront mises à même d’étendre le cercle de leurs consommations, on verra s’apaiser le sentiment d’irritation qui les anime, d’abord parce qu’elles jouiront de plus de bien-être, ensuite parce qu’elles n’auront plus de griefs raisonnables contre les autres classes de la société.

Les choses suivront chez nous une marche diamétralement opposée.

Le but immédiat de la protection est de favoriser le producteur. — Ce que celui-ci demande, c’est le placement avantageux de son produit. — Le placement avantageux d’un produit dépend de sa cherté, — et la cherté provient de la rareté. — Donc la protection aspire à opérer la rareté. — C’est sur la disette des choses qu’elle prétend fonder le bien-être des hommes. — Abondance et richesse sont à ses yeux deux choses qui s’excluent, car l’abondance fait le bon marché, et le bon marché, s’il profite au consommateur, importune le producteur dont la protection se préoccupe exclusivement.

En persévérant dans ce système, nous arrivons donc à élever le prix de toutes choses. Dira-t-on que le bon marché peut revenir par la seule concurrence des producteurs na-