Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/453

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de France à France, ou de métropole à colonie et réciproquement. Cela s’appelle la navigation réservée. Ici on tient le consommateur à la gorge, et il faut qu’il paye. Que le navire soit lourd, mauvais marcheur, qu’il revienne à un prix exorbitant, et grève inutilement les objets transportés d’un fret onéreux, c’est ce dont notre législation ne se met pas en peine, ou plutôt c’est ce qu’elle cherche. Le consommateur est là, tout disposé à se laisser exploiter, et l’on n’y fait pas faute.

Mais la navigation internationale est soumise, dans une certaine mesure, à la concurrence extérieure. Il arrive généralement que les armateurs et marins étrangers se contentent d’un moindre fret que les nôtres, et ils ont l’audace de rendre les marchandises dans nos magasins avec une grande économie, à notre profit.

Comme il est de principe, chez nous, que le public, en tant que consommateur, ne doit jamais être compté pour rien, si ce n’est pour être rançonné, et que ce n’est qu’en qualité de producteur que chaque travailleur doit être protégé, c’est-à-dire mis à même de tirer sa part de la curée, on conçoit aisément que le législateur a dû se préoccuper des moyens de soutenir notre marine nationale, en faisant retomber sur les masses les pertes que lui occasionne son impuissance ou son incapacité.

C’est ce qui a été fait. On s’est dit : L’étranger porte en France telle marchandise pour 20 francs ; nos armateurs ne peuvent la porter que pour 25 francs. Mettons une taxe de 5 francs sur cette marchandise, quand c’est l’étranger qui la porte, et il sera exclu de nos ports. Dès lors, nos armateurs feront la loi et hausseront leur fret à 25 francs. — C’est là l’origine de la surtaxe consignée dans nos tarifs à la colonne qui a pour titre : Par navires étrangers.

En thèse générale, le calcul était mauvais. En effet, il est incontestable qu’à ce système l’acheteur perd cinq