Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/462

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sant de protection, en réalité de priviléges et de monopoles. Dès lors les travailleurs se sont aussi transformés en solliciteurs ; ils ont assailli le gouvernement pour lui arracher la faculté de rançonner la nation, comme les quêteurs de places l’assiégent pour acquérir le droit d’exploiter le budget. Et le pouvoir, détourné de sa véritable et simple mission, qui est de garantir à chacun sa liberté, sa sûreté et sa propriété, s’est vu chargé encore de l’effroyable tâche de satisfaire à toutes les prétentions des classes laborieuses, d’assurer à chaque industrie les moyens de se soutenir et de se développer, et cela par le jeu des tarifs, par des combinaisons de taxes, par l’octroi à quelques-uns de ce qu’il parvient à arracher à tous.

Cependant la douane, obéissant à de fausses notions dont elle n’est pas responsable, puisqu’elle les reçoit du public, procédait au moins à son œuvre nouvelle par mesures générales et uniformes, lorsqu’il y a trois ans, elle déposa dans le traité belge le funeste germe des droits différentiels. À partir de cette époque, il fut établi en principe que les taxes d’importation pourraient varier selon les pays de provenance, selon le cours des denrées dans chacun de ces pays, selon leur distance, ou même, qu’on me passe l’expression, selon la température des passions, des animosités et des jalousies nationales. Ainsi la douane n’a plus borné ses prétentions à être un instrument de protection, elle est devenue une arme offensive, un moyen politique d’agression. Elle a dit à un peuple : « Tu es ami, nous admettrons tes produits à des conditions modérées, » à un autre : « Nous te haïssons, notre marché te sera fermé. » Qui ne voit combien ce caractère hostile imprimé à la douane augmente les chances de guerre, déjà si nombreuses, que les tarifs recèlent dans leur sein ? Qui ne comprend que ce sont les factions désormais qui se combattront sur le terrain des questions douanières ? Qui ne s’aperçoit avec effroi qu’un