Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/532

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produit doit avoir la faculté de l’échanger comme de s’en servir. L’échange est donc partie intégrante du droit de propriété. Or, nous n’avons pas institué et nous ne payons pas une force publique pour nous priver de ce droit, mais au contraire pour nous le garantir dans toute son intégrité. Aucune usurpation du gouvernement, sur l’exercice de nos facultés et sur la libre disposition de leurs produits, n’a eu des conséquences plus fatales.

D’abord ce régime prétendu protecteur, examiné de près, est fondé sur la spoliation la plus flagrante. Lorsque, il y a deux ans, on a pris des mesures pour restreindre l’entrée des graines oléagineuses, on a bien pu augmenter les profits de certaines cultures, puisque immédiatement l’huile haussa de quelques sous par livre. Mais il est de toute évidence que ces excédants de profit n’ont pas été un gain pour la nation en masse, puisqu’ils ont été pris gratuitement et artificieusement dans la poche d’autres citoyens, de tous ceux qui ne cultivent ni le colza ni l’olivier. Il n’y a donc pas eu création, mais translation injuste de richesses. Dire que par là on a soutenu une branche d’agriculture, ce n’est rien dire, relativement au bien général, puisqu’on ne lui a donné qu’une séve qu’on enlevait aux autres branches. Et quelle est la folle industrie qu’on ne pourrait rendre lucrative à ce prix ? Un cordonnier s’avisât-il de tailler des souliers dans des bottes, quelque mauvaise que fût l’opération, donnez-lui un privilége, et elle deviendra excellente. Si la culture du colza est bonne en elle-même, il n’est pas nécessaire que nous fassions un supplément de gain à ceux qui s’y livrent. Si elle est mauvaise, ce supplément ne la rend pas bonne. Seulement il rejette la perte sur le public.

La spoliation, en général, déplace la richesse, mais ne l’anéantit pas. La protection la déplace et en outre l’anéantit, et voici comment : les graines oléagineuses du Nord n’entrant plus en France, il n’y a plus moyen de pro-