Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/533

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duire chez nous les choses au moyen desquelles on les payait, par exemple, une certaine quantité de vins. Or, si, relativement à l’huile, les profits des producteurs et les pertes des consommateurs se balancent, les souffrances des vignerons sont un mal gratuit et sans compensation.

Il y a sans doute, parmi vous, beaucoup de personnes qui ne sont pas fixées sur les effets du régime protecteur. Qu’elles me permettent une observation.

Je suppose que ce régime ne nous soit pas imposé par la loi, mais par la volonté directe des monopoleurs. Je suppose que la loi nous laisse entièrement libres d’acheter du fer aux Belges ou aux Suédois, mais que les maîtres de forges aient assez de domestiques pour repousser le fer de nos frontières et nous forcer ainsi à nous pourvoir chez eux et à leur prix. Ne crierions-nous pas à l’oppression, à l’iniquité ? L’iniquité, en effet, serait plus apparente ; mais quand aux effets économiques, on ne peut pas dire qu’ils seraient changés. Eh quoi ! en sommes-nous beaucoup plus gras, parce que ces messieurs ont été assez habiles pour faire faire, par des douaniers, et à nos frais, cette police des frontières que nous ne tolérerions pas si elle se faisait à leurs propres dépens ?

Le régime protecteur atteste cette vérité, qu’un gouvernement qui sort de ses attributions ne puise dans ses usurpations qu’une force dangereuse, même pour lui. Quand l’État se fait le distributeur et le régulateur des profits, toutes les industries le tiraillent en tout sens pour lui arracher un lambeau de monopole. A-t-on jamais vu le commerce intérieur et libre placer un cabinet dans la situation que le commerce extérieur et réglementé a faite à sir Robert Peel ? Et si nous regardons chez nous, n’est-ce pas un gouvernement bien fort que celui que nous voyons trembler devant M. Darblay ? Vous voyez donc bien que contenir le pouvoir, c’est le consolider et non le compromettre.