Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/536

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times additionnels compris. Celui d’entre vous qui paye trois cents francs d’impôts, envoie chaque année cent francs se dissiper dans les nuages de l’Atlas et s’engloutir dans les sables du Sahara.

On nous dit que c’est là une avance que nous recouvrerons, dans quelques siècles, au centuple. Mais qui dit cela ? Les riz-pain-sel qui exploitent notre argent. Tenez, messieurs, en fait d’espèces, il n’y a qu’une chose qui serve : c’est que chacun veille sur sa bourse… et sur ceux à qui il en remet les cordons.

On nous dit encore : « Ces dépenses font vivre du monde. » Oui, des espions kabyles, des usuriers maures, des colons maltais et des cheicks arabes. Si on en creusait le canal des Grandes-Landes, le lit de l’Adour et le port de Bayonne, elles feraient vivre du monde aussi autour de nous, et de plus elles doteraient le pays d’immenses forces de production.

J’ai parlé d’argent ; j’aurais dû d’abord parler des hommes. Tous les ans, dix mille de nos jeunes concitoyens, la fleur de notre population, vont chercher la mort sur cette plage dévorante, sans autre utilité jusqu’ici que d’élargir, à nos dépens, le cadre de l’administration qui ne demande pas mieux. À cela, on oppose le prétendu avantage de débarrasser le pays de son trop-plein. Horrible prétexte, qui révolte tous les sentiments humains et n’a pas même le mérite de l’exactitude matérielle ; car, à supposer que la population soit surabondante, lui enlever, avec chaque homme, deux ou trois fois le capital qui l’aurait fait vivre ici, ce n’est pas, il s’en faut, soulager ceux qui restent.

Il faut être juste. Malgré sa sympathie pour tout ce qui accroît ses dimensions, il paraît qu’à l’origine le pouvoir reculait devant ce gouffre de sang, d’iniquité et de misère. La France l’a voulu ; elle en portera longtemps la peine.