Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/557

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l’histoire de la guerre aux portefeuilles, c’est l’histoire tout entière du parlement.

Je ne m’en prends pas à tel ou tel homme ; je m’en prends à l’institution. Que le pouvoir soit offert en perspective aux députés, et il est impossible que la Chambre soit autre chose qu’un champ de bataille.

Voyez ce qui se passe en Angleterre. En 1840, le ministère était sur le point de réaliser l’affranchissement du commerce. Mais il y avait un homme, dans l’opposition, imbu des doctrines de Smith, que la gloire des Canning et des Huskisson empêchait de dormir, et qui voulait à tout prix être l’instrument de cette immense révolution. Elle va s’accomplir sans lui. Que fait-il ? Il se déclare le protecteur de la protection. Il remue tout ce qu’il y a d’ignorance, de préjugés et d’égoïsme dans le pays, il rallie l’aristocratie effrayée, il soulève les classes populaires faciles à égarer, il combat son propre principe au parlement et sur les hustings, il renverse le ministère réformateur, il arrive aux affaires avec mission expresse de fermer aux produits du dehors les ports de la Grande-Bretagne. Alors fond sur l’Angleterre ce déluge de maux inouïs dans les fastes de l’histoire, que les whigs avaient voulu conjurer. Le travail s’arrête, l’inanition désole les villes et les campagnes, escortée de ses deux satellites fidèles : le crime et la maladie. Toutes les intelligences, tous les cœurs se soulèvent contre cette affreuse oppression ; et M. Peel, trahissant son parti et la majorité, vient dire un jour au parlement : Je me trompais, j’étais dans l’erreur, j’abjure la protection ; je donne à mon pays la liberté des échanges. Non, il ne se trompait pas. Il était économiste en 1840 comme en 1846. Mais il voulait de la gloire, et c’est pour cela qu’il a retardé de six ans, à travers des calamités sans nombre, le triomphe de la vérité.

Il est donc bien peu de députés que la perspective des