Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/113

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question d’où peuvent sortir des dangers et des maux sans nombre. Avant de vous faire une opinion à cet égard, laissez-moi mettre sous vos yeux quelques documents statistiques. Depuis dix ans, six cent mille Anglais ont émigré, moitié vers les États-Unis, moitié vers nos autres possessions répandues sur la surface du globe. C’est une chose surprenante qu’après deux siècles d’émigration, on songe aujourd’hui pour la première fois à transformer les émigrants en acheteurs, pour leur avantage comme pour celui de la mère-patrie. Il y a, dans les établissements de l’Union américaine, une population composée d’hommes qui étaient naguère nos compatriotes ; une population qui, tout entière, se rattache à nous par les liens d’une langue et d’une origine communes ; elle est active, industrieuse, capable de beaucoup produire et de beaucoup consommer ; n’est-ce pas une chose étonnante qu’avant de penser à la renforcer, on n’ait pas d’abord songé à établir entre elle et nous un système d’échanges libres ? J’en dirai autant de Java avec ses sept millions, du Brésil avec ses huit millions d’habitants. Ce sont là des pays riches et fertiles, et tout ce qu’il y a à faire, c’est de leur offrir des transactions fondées sur la base d’une juste réciprocité. Il n’en faudrait pas davantage pour absorber rapidement tout le travail national qui se trouve maintenant sans emploi. (Applaudissements.)

Il règne de grandes préventions en faveur des colonies. Pendant la guerre, on les regarde comme les soutiens de nos forces navales. En temps de paix, on les considère comme offrant au commerce les débouchés les plus étendus et les mieux assurés. Mais qu’y a-t-il de vrai en cela ? Le quart seulement de nos exportations va aux colonies, les trois quarts sont destinés à l’étranger. Je ne suis point anthipathique aux colonies, mais je proteste contre un système qui courbe la métropole sous le joug d’une évidente oppression. (Applaudissements.) La production des Antilles est tombée de trois à deux millions de quintaux de sucre. Ce n’est pas, comme on l’a dit, une conséquence de l’émancipation des noirs ; car quoique nos exportations dans ces îles aient d’abord descendu à 2 millions de livres sterling, elles se sont depuis relevées à 3 millions et demi. Mais il est