Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/114

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absurde que ces îles prétendent au privilége exclusif d’approvisionner de sucre notre population toujours croissante. Aussi qu’est-il arrivé ? Cet approvisionnement s’est considérablement réduit, et tandis qu’il y a vingt ans, la consommation moyenne était de vingt-quatre livres par habitant, elle n’est plus que de quinze livres, ce qui est inférieur à ce qu’on accorde aux matelots et même aux indigents dans les maisons de travail. Veut-on savoir ce que coûte à ce pays le privilége de faire le commerce de l’île Maurice ? Nous payons le sucre de Maurice 15 shil. plus cher que le sucre étranger que nous pourrions acheter dans les docks de Londres et de Liverpool, ce qui constitue pour nous un excédant de déboursés de 450,000 liv. sterl. par an. En retour, nous avons le privilége de vendre à cette colonie pour 350,000 liv. sterl. d’objets manufacturés. — J’arrive à nos possessions des Indes occidentales. En 1840, nous y avons exporté pour 3,500,000 liv. sterl., et nos importations ont été de deux millions de quintaux de sucre et treize millions de livres de café. Le coût différentiel de ces articles, si nous les eussions achetés ailleurs, nous aurait épargné 2,000.000 liv. sterl. Sur ces bases, il est clair que nous payons aux planteurs des Antilles 2 millions et demi par an le privilége de leur livrer pour 3 millions et demi des produits de notre travail. — Voilà pour quels avantages illusoires nous négligeons nos meilleurs débouchés, nous sacrifions les contrées où ils existent, et nous nous efforçons ensuite de les remplacer, en poussant, par des lois restrictives et la famine artificielle, le peuple de ce pays à une émigration générale. (Approbation.) Je crains de fatiguer l’attention de l’assemblée. (Non, non, continuez.) Si elle me le permet, je terminerai par la réfutation d’un reproche qu’on a adressé à la Ligue. Quelle que soit l’opinion du moment, la postérité reconnaîtra, j’en suis convaincu, que l’agitation actuelle, qui est irréprochable en principe, aura tourné principalement à l’avantage des classes agricoles. Quelle a été la conduite de la Ligue ? En a-t-elle appelé aux passions de la multitude ? (Non, non.) Tous ses efforts n’ont-ils pas tendu à améliorer l’esprit public, à répandre la lumière parmi les classes laborieuses ? N’a-t-elle pas cherché par là à redresser,