Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/117

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tions amicales des gouvernements et ces sentiments de bienveillance et de fraternité qui devaient cimenter l’union des peuples. (Acclamations.) Comme question intérieure, les lois-céréales font que l’Angleterre n’est plus la patrie des Anglais (applaudissements prolongés ; les cris de « bravo » retentissent dans toute l’assemblée) : car, forcer les hommes à s’expatrier, plutôt que de laisser importer des aliments, n’est-ce pas systématiser la déportation des êtres humains ? (Acclamations.) L’esprit de cette loi ne diffère pas de ce qui se pratiquait en Angleterre, il y a plusieurs siècles, alors que les seigneurs saxons élevaient de jeunes hommes pour les vendre comme esclaves. Ils les exportaient vers des terres lointaines, mais ils les nourrissaient du moins pour accomplir leurs desseins. Ils leur donnaient des aliments afin d’en élever le prix, tandis que les lois-céréales affament le peuple pour élever le prix des aliments. (Bruyantes acclamations ; on agite les chapeaux et les mouchoirs dans toutes les parties de la salle.) — Au point de vue financier, la question est aussi épuisée. Et que faut-il penser d’un chancelier de l’Échiquier qui ne s’aperçoit pas qu’arracher 40 millions de livres sterling au peuple, pour l’avantage d’une classe, c’est diminuer la puissance de ce peuple à contribuer aux dépenses nationales ? (Approbation.) En outre, des états statistiques montrent distinctement qu’à mesure que le prix du blé s’élève, le revenu public diminue. Dans cet état de choses, je plains les personnes qui voient sans s’émouvoir les souffrances du pays, l’augmentation rapide du nombre des faillites, la diminution des mariages, l’accroissement des décès parmi les classes pauvres, l’extension du crime et de la débauche ; oui, ce sont là de vieux arguments contre les lois-céréales. Si l’aristocratie en veut d’autres, elle les trouvera sous l’herbe épaisse qui couvre les tombeaux de ceux dont un honnête travail eût dû soutenir l’existence. — Eh quoi ! la charité elle-même est engagée dans la question ; car nous ne saurions soulager le pauvre sans payer tribut aux seigneurs, et il n’est pas jusqu’au pain de l’aumône dont ils ne s’adjugent une fraction. Notre gracieuse souveraine a beau ouvrir une souscription en faveur des pauvres de Paisley et d’ailleurs, lorsque les 100,000