Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/120

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responsabilité toute personnelle. (Applaudissements prolongés.) La Ligue fait aussi son expérience. Elle est venue de Manchester pour expérimenter l’agitation. Il fallait bien que l’expérience des landlords eût sa contre-épreuve ; il fallait bien savoir s’ils seront à tout jamais les oppresseurs des pauvres. (Applaudissements.) La Ligue et sir Robert Peel ont, après tout, une cause commune. L’une et l’autre sont les sujets ou plutôt les esclaves de l’aristocratie. L’aristocratie, en vertu de la possession du sol, règne sur la multitude comme sur les majorités parlementaires. Elle commande au peuple et à la législature. Elle possède l’armée, donne la marine à ses enfants, s’empare de l’Église et domine la souveraine. Notre Angleterre, « grande, libre et glorieuse, » est attelée à son char. Nous ne pouvons nous enorgueillir du passé et du présent, nous ne saurions rien augurer de l’avenir ; nous ne pouvons nous rallier à ce drapeau qui, pendant tant de siècles, « a bravé le feu et l’ouragan ; » nous ne pouvons exalter cet audacieux esprit d’entreprise qui a promené nos voiles sur toutes les mers ; nous ne pouvons faire progresser notre littérature, ni réclamer pour notre patrie ce que Milton appelait le plus élevé de ses priviléges : « enseigner la vie aux nations. » Non, toutes ces gloires n’appartiennent pas au peuple d’Angleterre ; elles sont l’apanage et comme les dépendances domaniales d’une classe cupide… La dégradation, l’insupportable dégradation, sans parler de la détresse matérielle, qu’il faut attribuer à la loi-céréale, est devenue horrible, intolérable. C’est pourquoi, nous, ceux d’entre nous qui appartiennent à la métropole, nous accueillons avec transport la Ligue au milieu de nous ; nous devenons les enfants, les membres de la Ligue ; nous vouons nos cœurs et nos bras à la grande œuvre ; nous nous consacrons à elle, non point pour obéir à l’aiguillon d’un meeting hebdomadaire, mais pour faire de sa noble cause le sujet de nos méditations journalières et l’objet de nos infatigables efforts. (Bruyantes acclamations.) Nous adoptons solennellement la Ligue ; nous nous engageons à elle comme à un covenant religieux (applaudissements enthousiastes) ; et nous jurons, par celui qui vit dans tous les siècles des siècles, que la loi-céréale, cette insigne folie, cette basse injustice, cette atroce