Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/124

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leur nom à cette pétition. Qu’ils se donnent la peine de remonter à sa source, qu’ils recherchent quels en sont les principaux colporteurs. Ne sont-ce point des armateurs habitués à passer avec le gouvernement des contrats de transport ? des propriétaires de terres dans le Canada, ou des actionnaires dans les spéculations onéreuses de la Nouvelle-Zélande ou de la Nouvelle-Galles du Sud ? Oh ! laissons-les suivre leurs plans tant qu’ils ne font des dupes que parmi les monopoleurs. Mais je tiens à voir les membres de la Ligue passer pour des hommes trop avisés pour tomber dans ces pièges grossiers. Oh ! comme le gouvernement et les monopoleurs se riraient de nous, si nous leur apportions ce moyen de diversion, ce prétexte pour ajourner l’affranchissement du commerce ! Sans doute, sir Robert Peel, qui, vous le savez, est un admirable tacticien, ne se ferait pas personnellement le patron de la pétition, mais avec quel empressement ne saisirait-il pas cette excellente occasion de venir dire : « Je suis forcé de reconnaître que la question est grave, entourée de grandes difficultés, et qu’elle exige, de la part du gouvernement de Sa Majesté, une prudente réserve (rire général) ; quelles que soient mes vues personnelles sur ce sujet, on ne peut s’empêcher d’admettre qu’une proposition de cette nature, émanée du corps respectable des banquiers et négociants de cette vaste métropole, mérite une considération lentement mûrie, laquelle ne lui manquera pas. » (L’orateur excite les applaudissements et les rires de toute l’assemblée par la manière heureuse dont il contrefait la pose, les gestes et jusqu’à l’organe du très-honorable baronnet à la tête du gouvernement.) Qui sait alors si la Chambre ne se formera pas en comité, et ne nommera pas un commissaire pour rechercher lentement jusqu’à quel point l’exportation des hommes est praticable et peut suppléer à l’importation du blé ? Quelle joie pour les monopoleurs ! Je suis bien sûr que la moitié des pétitionnaires ont donné leurs signatures sans en connaître la portée.

Il y a d’ailleurs à ce système d’émigration systématique par les soins du gouvernement un obstacle auquel ses promoteurs n’ont probablement pas songé ; c’est que le peuple ne consentira